Abroger la loi contre les #MGF sera une trahison des filles et des femmes en Gambie - Jama Jack

SOURCE: THINK YOUNG WOMEN GAMBIA

Depuis août 2023, la Gambie voit se développer un mouvement en faveur de l'abrogation de la loi qui interdit la pratique des Mutilations Génitales Féminines (MGF) dans le pays. Il y a deux semaines, Almameh Gibba, un député du district gambien Foni Kansala, a déposé au parlement une proposition de loi visant cette abrogation.

Ce 18 mars 2024, la proposition a été présentée en deuxième lecture. Après débat, les parlementaires gambiens ont approuvé à la majorité le renvoi de la proposition devant les commissions compétentes. Celles-ci devraient consulter divers acteurs et recueillir l’opinion publique pour ensuite publier un rapport avec des recommandations pour la voie à suivre. Cette évolution a ses avantages et ses inconvénients, dont je laisse l’analyse à nos experts juridiques.

En tant que personne qui a activement travaillé pour le plaidoyer #StopMGF pendant plus de dix ans, j’aimerais analyser les dynamiques en jeu dans ce qui se déroule actuellement sous nos yeux. Avec notamment l’examen de la mobilisation sociale et de l’engagement social, sous la perspective d’une féministe gambienne.

En décembre 2015, le parlement gambien a adopté le Women’s (Amendment) Act 2015, un amendement qui sanctionne pénalement la pratique des MGF dans le pays. Cet amendement précise les caractérisations de la « circoncision féminine » pour y ajouter la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ainsi que toutes les formes de « mutilations sexuelles féminines ». La loi prévoit également des sanctions strictes à l’encontre des personnes qui pratiquent les MGF, celles qui les sollicitent, les encouragent ou en font la promotion ; ainsi que pour les personnes qui ont connaissance d’une procédure planifiée ou achevée et qui ne l’ont pas signalée aux autorités compétentes.

Quelques mois plus tôt, en août 2015, ce même parlement avait rejeté une proposition visant à interdire la pratique des MGF en Gambie dans un communiqué du Comité gambien sur les pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants (the Gambia Committee on Traditional Practices Affecting the Health of Women and Children - GAMCOTRAP). Ce n’était pas la première fois que le parlement gambien rejetait des propositions de lois contre la pratique.

Le fait qu’il adopte une loi interdisant la pratique des MGF, quatre mois plus tard, était donc un signe encourageant. Cela a eu lieu au lendemain de l’annonce surprise du chef de l’État de l’époque, Yahya Jammeh, de l’interdiction immédiate des MGF en Gambie. Annonce également survenue après des années de travail des militant.e.s et des associations de défense des droits des femmes. Un travail souvent réalisé dans des conditions dangereuses et intimidantes, et essentiellement grâce à l’engagement avec les communautés et des plaidoyers pour avoir des lois et des politiques qui protègent les filles et les femmes et interdisent les MGF.

Depuis l’adoption de la loi il y a presque dix ans, UNE seule poursuite a abouti : en août 2023, trois femmes ont été reconnues coupables d’avoir pratiqué des MGF sur des filles âgées de 4 mois à 1 an. Chaque femme a été condamnée à payer une amende de 15 000 dalasi ou purger une peine d’un an d’emprisonnement. Malgré le décalage évident entre le verdict et les peines prévues par la loi, la décision du tribunal a tout de même été saluée comme une jurisprudence historique.

 Ce qui aurait dû être une occasion de renforcer l’application de la loi et de garantir la protection des filles dans le pays, a ouvert la voie à des initiatives plus audacieuses par certains chefs religieux musulmans pour encourager l’abrogation de la loi sur les MGF.  L’un d’entre eux, Abdoulie Fatty, a rassemblé les moyens nécessaires pour régler les amendes des trois femmes. Il a profité de l’occasion pour s’attaquer aux activistes, aux organisations et aux associations de la société civile qui œuvrent pour mettre fin aux MGF. Monsieur Fatty et compagnie, ont inlassablement encouragé l’idée que la loi contre les MGF s’oppose à l’Islam, ce qui mobilise et incite leurs fidèles à soutenir l’abrogation de la loi et considérer leurs actions comme un « djihad » en défense de l’Islam.

Malheureusement, le débat va bien plus loin que la simple opinion d’une seule personne. M. Fatty est un seul individu, il ne faut toutefois pas sous-estimer son influence dans un pays majoritairement musulman. Lors de la première lecture de la loi, ses partisans et lui se sont fortement mobilisés. Ils ont attiré une foule de gens, parmi eux de nombreuses femmes et des enfants, qui scandaient « Allahou Akbar » et clamaient protéger et défendre leur religion. Le Conseil islamique suprême a également joué un rôle phare dans l’enhardissement de ce mouvement pro-abrogation, et armé ses militant.e.s de fatwas qui ne font rien d’autre qu’écarter les expériences des victimes et des survivantes, plaider pour le maintien de la pratique et même préconiser la MGF médicale comme solution. Le fait de présenter le travail anti-MGF et les militants anti-MGF comme étant anti-Islam est stratégique pour révolter leurs partisans et obtenir leur soutien dans un pays où l'on apprend à la population à ne pas remettre en question les chefs religieux.

Les Organisations de la Société Civile (OSC), celles de défense des droits des femmes et militantes féministes gambiennes, travaillent activement à la manière de réagir à cette évolution de la situation. La continuité du travail réalisé ces dernières années afin de s’engager auprès des communautés et des responsables politiques. De réelles inquiétudes existent concernant le manque de mécanismes de coordination solides, notamment à propos des questions qui affectent les femmes, les filles et les autres groupes minoritaires du pays. Ce moment déterminant, met encore une fois cela en évidence. Aujourd'hui, plus que jamais, nous est rappelée la nécessité d'investir dans des stratégies holistiques de construction de mouvements qui faciliteront l'action collective, renforceront la solidarité, soutiendront une documentation et un apprentissage efficaces et consolideront un bloc uni animé par un intérêt commun : la protection des droits des femmes, des jeunes filles et d'autres groupes vulnérables.

Malgré ce défi, le Réseau contre les violences faites aux femmes (the Network Against Gender-Based Violence) et ses organisations membres ont joué un rôle de premier plan dans les actions menées jusqu'à présent, et la société civile doit continuer à rationaliser ses efforts à travers cet organisme cadre pour garantir l’harmonisation et la coordination des actions. Et également s’assurer qu’il n’y a pas de place pour la cooptation du mouvement, ou pour des zones grises qui pourraient mener à la perte de la loi… et plus encore.

Le gouvernement gambien demeure silencieux sur la question. C’est le cas depuis que le gouvernement d’Adama Barrow est entré au pouvoir, ce qui a conduit à la rhétorique publique dans certaines communautés que la loi interdisant les MGF a été évincée en même temps que le président Jammeh. Les groupes de la société civile appellent inlassablement le gouvernement à communiquer de manière proactive sur l’existence de la loi et à exprimer la volonté politique d’assurer sa mise en œuvre effective.

Près de huit ans plus tard, nous attendons toujours que cela se produise. Si certaines voix au sein du gouvernement se sont élevées, notamment celle du vice-président de l’Assemblée nationale, il reste tant à espérer d’un gouvernement qui persiste à promouvoir une rhétorique de soin et de respect des droits des femmes et des filles dans le pays. En outre, il existe des allégations selon lesquelles la police retarderait ou refuserait carrément de faire avancer les cas de MGF qui lui sont signalés parce qu'elle a reçu des directives de l'exécutif à cet effet.  

Le ministère du Genre, de l'Enfance et de la Protection sociale s’est révélé être la plus grande déception de tout le dispositif gouvernemental, et démontre non seulement la nécessité d’un leadership féminin, mais d’un leadership qui repose sur une politique féministe radicale qui s’opposera à la structure patriarcale qu'est l'État. Cinq ans après la création du ministère, je rencontre encore des difficultés à comprendre ce qu’il fait pour améliorer la condition des femmes et des filles en Gambie, au-delà de la répétition de la mise en place de projets et d’activités qui ne mènent à aucun réel changement. Au cœur de cette crise flagrante, ils ont tout de même jugé bon de célébrer la Journée internationale des droits des femmes avec un défilé, vêtus de vêtements assortis de fantaisie, et de régurgiter des discours et des déclarations que nous avons entendus à maintes reprises. Au moment où j’écris ces lignes, ils sont actuellement à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies ( Commission on the Status of Women - CSW) et expriment des messages de « solidarité » avec les OSC qui ont mené le travail et la mobilisation pour mettre fin aux MGF. Où est le leadership ? Quand le ministère reconnaîtra-t-il et assumera-t-il ses responsabilités en tant qu’organe de coordination et travaillera-t-il en étroite collaboration avec les OSC au lieu de les considérer comme des ennemis, des opposants ou des lanceurs d’alerte « sans classe » ? Fatou Kinteh et son équipe peuvent-elles se mobiliser ?

Les femmes Gambiennes sont épuisées ! Le patriarcat continue de trouver des moyens de nous briser et nous tuer chaque jour, et il existe une limite à ce que les gens peuvent endurer. Un grand travail est réalisé pour assurer notre sécurité, mais en tant que société civile, nous devons délibérément aborder ces questions d'un point de vue radical, et au-delà de nos réactions superficielles initiales. Nous devons aborder les mutilations génitales féminines, les mariages précoces et bon nombre de problématiques auxquelles nous sommes confrontés en tant que formes de violence patriarcale et trouver des solutions pour y remédier. Nous ne devons pas avoir peur d'offenser le patriarcat, car le patriarcat n'hésitera pas à nous tuer à la première occasion.

Tandis que nous cherchons la voie à suivre, nous devons également rejeter les appels de plus en plus forts à la médicalisation et la normalisation de la pratique des MGF, car cela créera un terrible précédent. Nous devons admettre que la pratique est enracinée dans la volonté de contrôler nos corps et notre sexualité. Toutes les concessions que nous ferons aujourd’hui s’appliqueront aux autres formes de violences que nous subissons car les cibles changeront toujours. Abdoulie Fatty a déjà mentionné la loi interdisant les mariages précoces, et comme nous l’avions prévu, ils s’attaqueront à toutes les lois qui protègent les femmes et les filles. Nous ne devons pas céder à leur volonté de contrôler nos corps, ou de nous utiliser comme garantie dans leurs jeux politiques.

Mon esprit est lassé, et je lutte pour ne pas travailler d’un point de vue défaitiste. Je vais donc garder espoir. L’espoir de voir le gouvernement gambien assumer en priorité ses responsabilités envers son peuple, au lieu de jouer la comédie pour faire bonne figure aux yeux de la communauté internationale. L’espoir que tous ceux qui œuvrent pour continuer à porter préjudice aux femmes répondront de leurs actes et que nous aurons les protections nécessaires dans un environnement manifestement de plus en plus dangereux pour les activistes qui s’expriment ouvertement.

Dans l’intérêt des filles qui risquent TOUJOURS de subir une MGF et qui ne disposent pas d’espaces pour partager leurs craintes, j’espère que, la Gambie prendra la bonne décision, cette fois-ci.

À propos de l'auteur

Jama est une écrivaine féministe et Spécialiste en communication originaire de Gambie. Elle défend la justice sociale et s’intéresse aux recoupements entre les droits humains, la communication et l’engagement communautaire, surtout dans le domaine du changement du comportement social. Elle écrit sur son blog, Linguere, produit et co-anime le Musso Podcast et se construit un portfolio dans le domaine du cinéma.


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« Le Cercle Eyala a créé un espace pour renforcer la sororité » - Chanceline Mevowanou (Benin)

Organiser le cercle Eyala à Cotonou a été une activité passionnante. J’avais hâte de retrouver les personnes avec qui je partage des rêves et des actions collectives pour le bien-être et l’épanouissement des filles et des femmes au Bénin. Cela s’est concrétisé. 

Le samedi 28 janvier 2023, les féministes béninoises ont accueilli leur premier cercle Eyala. L’évènement s’est déroulé à Cotonou au Jardin de Canelya. Quand je pense à ce cercle, l’une des premières choses qui me viennent à l’esprit, c’est le sentiment de bien-être, de vulnérabilité et de renouvellement de soi que j’ai ressenti pendant les conversations. Y compris l’épuisement physique et émotionnel que j’ai senti à la fin du cercle. Je suis rentrée et je me suis aussitôt endormie comme un bébé. On m’avait invité à une représentation théâtrale ce même jour dans la soirée. Je n’ai pas été voir le spectacle parce que mon sommeil après le cercle était tellement profond que j’ai tout oublié.  

Les cercles Eyala sont des moments de partages authentiques et intenses. Il faut le vivre pour comprendre. 

Au Bénin et dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest Francophone, il y a toujours de l’enthousiasme et de la mobilisation lorsque vous entreprenez d’organiser des espaces et des conversations centrés sur les expériences authentiques des féministes. Je l’ai vu en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Niger… Parce que les cercles féministes où on ne vient pas parler de nos boulots et/ou de nos connaissances de tel ou tel concept féministe ne sont pas fréquents de nos jours. Je ne sais pas si de tels cercles ont durablement existé par le passé. Le besoin d'espaces sûrs, intimes où les féministes peuvent raconter leurs propres histoires et s’autoriser à être vulnérables est réel. Beaucoup de féministes en sont conscientes. 

Une sœur féministe béninoise qui s’appelle Océane m’en parle très souvent lors de nos échanges. Elle trouve que nos boulots au sein des organisations et la recherche d’expertises thématiques ont pris trop de place dans nos militantismes. Alors que nous examinons très peu comment nous vivons et incarnons le féminisme dans nos vies ou pas. Quand j’ai envoyé les invitations pour le Cercle de Cotonou, elle était en voyage au Mali et en Guinée. Elle est rentrée de son voyage le samedi à 05h du matin et est venue pour le Cercle Eyala dans la même matinée. Elle ne voulait pas manquer. À la fin du cercle, elle a partagé ses impressions en ces mots :

« Le cercle était intéressant du fait qu’on donnait la voix aux féministes pour les écouter sur autre chose que ce qu’elles font. On questionnait leur rapport intime avec le féminisme comme identité. » 
— Océane

Nous étions une vingtaine de participantes pour le cercle. Des féministes que je connaissais, celles que je ne connaissais pas, des féministes plus âgées, des plus jeunes également. Sans oublier des femmes qui commençaient à se revendiquer féministes et qui sont au début de leur voyage. Au milieu et devant nous, il y avait à boire, à manger. Le cadre qui nous a accueilli était un peu vert et calme. J’ai pris le temps d’observer les arrivées. C’était comme des retrouvailles pour la plupart d’entre nous. Nous n’avons pas cessé de nous voir. Cependant, nous nous voyions autour des activités de nos boulots, autour des projets et les énergies n’étaient pas les mêmes que celles présentes le jour du cercle. J’ai éprouvé de la gratitude en voyant la bonne ambiance dès l’arrivée et l’installation des participantes.  Des sourires, de la bonne énergie, des câlins…Ce que ça évoque pour moi est que nous avons besoin d’organiser des espaces pour nous-mêmes. Kifayath, une participante au cercle :

« Le cercle a été pour moi un espace de découverte et de partage d’expériences. Je me suis sentie libre et heureuse de pouvoir m’exprimer sans filtre. J’ai adoré l’ambiance bon enfant qui a régné tout au long de la séance ». 
— Kifayath

En introduction aux échanges, j’ai parlé de Eyala et de l’esprit des cercles que nous organisons. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’elles entendaient parler de Eyala. D’autres suivaient déjà Eyala et connaissait notre Fondatrice, Françoise Moudouthe. Nous avons échangé autour du thème « Nos vies féministes ». L’idée de ce cercle était d'explorer ensemble nos expériences personnelles de féministes africaines et questionner nos vies féministes ou pas, en toute intimité et sûreté. La beauté des cercles Eyala c’est que rien n’est imposé, figé ou prédéterminé concernant ce qu’il faut partager. Le cercle se déroule selon ce que les personnes présentes ont envie de partager. 

Les échanges dans un premier temps se sont focalisés sur nos premières prises de consciences féministes. Beaucoup de participantes dans le cercle se connaissaient mais surtout à travers le travail militant, en tant que membre ou présidente de telle organisation... Pour tisser plus de liens, et instaurer une certaine confiance, naturellement le besoin de se (re)découvrir, de connaître l’histoire derrière la militante, s’est fait ressentir. Ce cercle de mon point de vue a créé l’espace pour renforcer la sororité entre nous car en devenant plus proches, en ayant des conversations plus intimes, nous consolidons la solidarité. C’est ce que démontrent d’ailleurs les témoignages des participantes à la fin des échanges. C’est l’exemple de Axelle, une participante qui a partagé comment elle s’est sentie pendant le cercle :

« Le cercle Eyala m’a apporté le sentiment d’appartenance à une communauté. Une communauté de personnes déterminées pour que les choses qui asservissent les femmes puissent cesser. C’est incroyable. » 
— Axelle

Des histoires passionnantes ont été racontées lors des conversations. L’une d’entre nous a raconté que quand elle était élève, dans son école, les filles ne pouvaient pas être responsables de classe et les garçons ne balayaient pas. Elle a trouvé que cela était injuste et s’est donné comme objectif de devenir responsable de classe et instaurer le balayage des classes pour tous les élèves, filles et garçons. Ce qu’elle a réussi à faire avec beaucoup de combativité. Cela a été le début de son voyage féministe. 

Pour une autre, c’est le fait d’avoir été victime de harcèlement sexuel de la part d’un professeur à l’université qui a déclenché des prises de consciences féministes et la volonté de prôner et incarner un nouvel ordre social où les jeunes femmes évoluent sans subir des violences sexistes. 

Nous avons écouté une participante qui a raconté son histoire de femme africaine vivante avec un handicap et qui se bat pour changer les récits réducteurs à propos des personnes vivantes avec un handicap. Ce fut l’un de mes moments préférés du cercle. Elle a partagé comment le soutien de sa mère a été un pilier dans sa vie. Son histoire nous a enseigné le pouvoir de l’amour et de la communauté. Nous sommes connectées et interdépendantes. Ces liens représentent des zones de pouvoir où nous pouvons opérer pour ne laisser aucune femme de côté. Mais nous oublions souvent cela dans un monde où l’individualisme induit par nos systèmes nous fait penser que nous sommes puissantes toutes seules. Son partage m’a fait réaliser encore plus que personne n’est sans voix. Il y a des voix invisibilisées, silenciées, des voix que nous n’entendons pas…mais pas des personnes sans voix. 

Les échanges dans un second temps ont porté sur comment nous incarnons personnellement le féminisme, si nous y parvenons et comment nous nous sentons quand nous n’y parvenons pas. J’ai noté que ce sont des questions que nous n’abordons pas souvent. Parce que le féminisme à travers la réalisation de projets semble être la façon dont nous vivons plus le féminisme. C’est surtout à travers ces réalisations que le public tente de nous évaluer également.

Lors du cercle, beaucoup ont exploré cette question surtout à travers le « to do - faire ce que je fais » et un peu à travers le  « to be - être ce que je suis, ce que j’incarne ». Néanmoins, nous avons écouté beaucoup d’histoires résonnantes. Des histoires qui font honneur à nos humanités. Certaines de ces histoires ont montré qu’il y a un parcours entre « dire je suis féministe », avoir la volonté de l’être et « vivre réellement le féminisme ». Personnellement et collectivement. 

Nous avons par exemple écouté des survivantes de violences sexuelles parmi nous qui ont partagé leurs vécus et comment elles tentent aujourd’hui de guérir et incarner un féminisme. Les expériences racontées nous ont transporté dans toutes les émotions : des sourires, des rires, des pleurs, des silences pesants... Nous nous sommes écoutées. Beaucoup d’entre nous se sont senties vues et accueillies.

« Je me suis sentie libre. Libre d’être moi, sans artifices. Parce que j’étais en face de personnes bienveillantes qui assumaient leurs blessures. J’ai aimé le fait que ce soit dans un jardin et tout ce qu’il y avait à déguster. J’ai aimé l’ambiance apaisante.»
— Nadège

Vers la fin des échanges, nous avons écouté les expériences de certaines féministes plus âgées, comment elles ont vécu leur féminisme et l’héritage qui reste pour les plus jeunes. Une leçon que je garde de cette partie des échanges est qu’en tant que jeunes féministes, notre quête ne devrait pas être de pointer incessamment les aînées sans chercher à mieux faire. Il s’agirait de s’appuyer sur les ressources dont disposent les aînées, apprendre de leurs expériences et chercher à bâtir avec elles. Nous avons collectivement reconnu que les conversations sont importantes et nécessaires pour cette construction de mouvement. La conversation est l’une des armes dont nous disposons. C’est à travers la conversation que nous pouvons surmonter les jugements, se connaître plus et échanger nos pensées.

Je garde l’espoir que nous aurons d’autres cercles Eyala à Cotonou. Parce que ce premier cercle a été un moment inoubliable pour moi et les participantes.

« La liberté est fondamentalement ce que je recherche en tant que personne humaine » - Chanceline Mevowanou (Benin)

Je m’appelle Chanceline Gwladys Wangninan Mevowanou. Mes proches m’appellent “Chance”. Je suis Béninoise et j’ai 25 ans. J’ai grandi à Avrankou, une localité au Sud du Bénin dans le département de l’Ouémé. Je vis actuellement à Cotonou non loin de la plage. J’adore la plage. Regarder la mer m’aide souvent à calmer mes angoisses, à éteindre le bruit dans mon esprit et à aérer mes pensées. J’aime les « Soirées Chill », faire la fête. Vous savez maintenant qu’il faut m’inviter pour des “Party”. J’adore les bougies parfumées, le vin, les sacs au dos et les baskets. Je porte les baskets sur presque tous les vêtements (n’appelez pas la « fashion police » s’il vous plaît 😄😂). 

La liberté est fondamentalement ce que je recherche en tant que personne humaine. Mon but ultime c’est de me réaliser, m’accomplir selon mes propres termes, m’épanouir dans des environnements où je peux vivre une vie digne et soignée. Je veux exister librement. C’est pour cette liberté que je suis avant tout féministe puis militante féministe ensuite. Je me veux libre, libre du patriarcat et de tous les autres systèmes d’oppressions qui les alimentent. C’est pour cela que je suis en mouvement et en action. Pour personnellement et collectivement contribuer au démantèlement des systèmes qui embrigadent les femmes, entravent leur liberté et détruisent leur humanité. 

J’ai eu mes premières prises de conscience féministe dans ma famille et dans mon village. Ma mère m’a raconté comment son père a décidé d’envoyer uniquement les garçons à l’école et d’assigner les filles aux travaux domestiques. J’ai des souvenirs de mon père qui a frappé ma mère devant nous lors d'une dispute, a jeté ses affaires dehors. Je me souviens très clairement encore de comment ma mère après avoir subi cette violence est restée. Je l’ai entendu dire qu’elle resterait avec ses enfants quoi qu’il arrive, qu’elle supporterait tout. 

Dans mon village, je voyais les injustices que les enfants surtout les filles et les femmes subissaient et subissent encore. J’ai en mémoire les histoires des femmes fréquemment frappées par leurs maris pour ceci ou cela, des familles qui maltraitent les enfants, utilisent les coups et blessures ainsi que des paroles dégradantes pour soi-disant les éduquer. J’ai aussi subi cela. Mes parents et “les grandes personnes” nous frappaient pour nous apprendre les bonnes façons de vivre. J’étais très révoltée contre cette « violence » avec laquelle nous étions éduqué.e.s. Pour les filles, cette violence est subie doublement. Parce qu'elles sont des filles. J’ai vu beaucoup de filles de mon village abandonner l’école. Elles étaient renvoyées de la maison et/ou livrées en mariage forcé à cause d’une grossesse précoce. Mon père menaçait aussi de nous renvoyer de la maison si l’une d’entre nous tombait enceinte sans avoir obtenu le baccalauréat. J’avais constamment peur. Lorsque j’ai eu mes premières règles, mes parents ont failli m’amener à l’hôpital pour contrôler la virginité. Je pensais foncièrement qu’on pouvait nous éduquer autrement, discuter avec nous. J’étais très en colère contre tous ces traitements. 

Mes parents m’ont appris que si je devenais une femme forte, plus personne n'oserait me frapper, m’infliger des humiliations que je voyais les femmes, les filles et les enfants subir. Ils m’ont dit que si je devenais une femme qui a un travail, de l’argent, une maison et d’autres biens, aucun homme n’osera me manquer de respect ou lever la main sur moi. Ils disaient que l’école était le chemin pour devenir cette femme forte. Je regardais aussi les femmes à la télé et je disais que je serai comme elles, libre de m’exprimer. J’ai ainsi vu l’école comme le chemin de la liberté, la voie pour ne plus subir d'injustices. J’étais parvenue à élaborer une théorie dans ma tête : plus les enfants iront à l’école et surtout plus les filles iront à l’école, elles sauront comment agir face aux injustices et seront préparées à ne pas les subir en silence. C’était ma croyance. Pour cela, je travaillais à l’école.

À l’école, je ne me contentais pas d’étudier. Je faisais en sorte d’être parmi les meilleur.e.s élèves, avoir des récompenses, montrer aux gens que les filles sont fortes. Je voulais que l’on me remarque à cause de mes meilleures notes, mes réponses pertinentes, ma capacité à réfléchir, dire ce que je pense et à prendre la parole en public. Je me suis aussi intéressée aux activités parascolaires qui pouvaient me permettre de développer ma confiance en moi. J’étais membre du groupe théâtral et de danse du collège. J’ai développé ma passion pour la poésie et le slam. Je voyais dans ces groupes des espaces pour aborder avec des camarades les sujets que je ne pouvais pas aborder à la maison. J’ai commencé à écrire des textes sur l’importance d’une éducation à la sexualité pour les enfants et de la lutte contre les violences faites aux filles et femmes. Je m’exerçais à réfléchir, penser, trouver des idées, écrire, initier des conversations avec des camarades.

L’écriture et le slam ont été mes premiers outils d'action. Puis il y a les scènes qu’il fallait jouer lors de nos présentations théâtrales. J’ai remarqué qu’après chacune de nos représentations, que ce soit en classe ou lors des journées culturelles, les gens posaient des questions et discutaient de ces sujets : une conversation naissait. J’ai donc continué. L’écriture, le théâtre et le slam ont révolutionné ma personne, libéré ma pensée et ma voix et m’ont poussé sur le chemin d’une forme d’organisation communautaire libre et désordonnée. Ils m’ont montré comment je pouvais commencer à agir sans attendre de devenir une femme forte. 

En classe de Première, des volontaires « Peace Corps » sont venues dans notre collège pour mener un programme de renforcement des filles. J’ai participé à la sélection des meilleures filles qui devraient participer à ce programme et j’ai été retenue comme boursière du programme. On avait bénéficié d’une formation et d’une exonération de la contribution scolaire pendant deux ans. Nous étions deux filles boursières. Avec les volontaires et les deux professeures déléguées par l’école pour mener ce programme, nous avons suivi plusieurs formations sur le leadership des filles, le genre, la gestion de la puberté, les rôles modèles. Ces formations ont renforcé mes capacités, mes convictions et ma volonté d’agir pour les droits des filles et des enfants. 

J’ai commencé à animer des clubs scolaires. Dans les premiers clubs scolaires de filles que j’ai dirigés, nous étions concentrées sur ce que nous vivons en tant que filles, les réalités des femmes, des élèves autour de nous et comment beaucoup de gens y compris nous-mêmes doivent en parler et trouver des solutions ensemble. Pour moi, lorsque les choses ne fonctionnent pas dans nos communautés, nous devons en parler, avoir des conversations ! Parce que nous ne pouvons pas trouver des solutions sans la conversation qui nous permet de comprendre pourquoi et comment les enfants, les filles et les femmes sont affecté.e.s. 

J’ai été guidée par cet état d’esprit après mon Bac : mobiliser, rassembler les filles et les garçons, les femmes et les hommes autour des problèmes qui nous touchent et alimenter des conversations pour aboutir aux actions. Parce que je suis revenue dans mon village pour mettre en place des actions. En me voyant faire cela les gens m’ont appelé : activiste et féministe. J’ai supporté ces casquettes pendant un bon moment avant de décider de comprendre ce qu’elles voulaient signifier. Il me fallait comprendre et construire ensuite ce que “activiste et féministe” devrait signifier pour moi. Je pense que c’est ce que je suis en train de faire. Durant le parcours, ma compréhension des inégalités de genres a évolué et continue d’évoluer. Les injustices que les femmes subissent dans nos sociétés ne sont que des symptômes et manifestations de systèmes d’oppressions très vastes. Ces systèmes influencent nos vies, nos pensées, nos croyances, nos normes, nos actions, les politiques, l’économie, et le développement de nos sociétés… Et nous pouvons résister, les défier bruyamment et les démanteler. Aucune femme ne parlera jamais trop, n’écrira jamais assez dans nos sociétés telles qu’elles sont de nos jours. Élevons nos voix, libérons nos pensées et nos actions.

J’ai trouvé Eyala à un moment où j’étais épuisée d’être la jeune militante féministe engagée dans un travail d’ONG où sa politique féministe risque de ne pas grandir. Je me suis rappelée que je devais saisir les occasions qui vont me permettre de continuer à faire partie des conversations pour la libération radicale de toutes filles et femmes africaines. Je veux faire partie des conversations importantes de ma génération, amplifier les voix et les actions des féministes africaines. Dans la sauvegarde de nous-mêmes et dans la sororité. Je veux être là où nous discuterons et prendrons action ensemble pour déraciner le patriarcat. C’est pour cela que j’ai rejoint Eyala. 

« The Woman King est bien plus subtil qu’il n’y paraît » – Zoleka Mazibuko (Zimbabwe)

The Woman King, un drame historique se déroulant au royaume du Dahomey (actuel Bénin) dans les années 1800, met en lumière la véritable armée africaine composée exclusivement de femmes, surnommée les « Amazones du Dahomey » par les Européens ou les Agojie par la population locale.

Viola Davis, actrice récompensée aux Oscars incarne Nanisca, le général des Agojie. L’acteur John Boyega joue le roi Dahomey Ghezo et l’actrice sud-africaine Thuso Mbedu interprète la fougueuse Nawi, une jeune recrue Agojie. Le film a réalisé 44 millions de dollars de recettes dans le monde, mais en dépit de ce succès, suscite la controverse notamment en raison de l’exactitude historique et de la politique de genre. Avant de nous aventurer sur ce terrain, commençons par l’exactitude historique du film.

Black is King de Beyoncé et Black Panther étaient des films sur les Africain.e.s réalisés par des Américain.e.s à destination des Américain.e.s ; une manière pour les Afro-Américain.e.s de renouer avec leurs origines africaines. Ces films ont soigneusement choisi des aspects de la culture africaine et les ont occidentalisés pour les rendre acceptables auprès du grand public, à un tel point que les Africain.e.s, comme moi, ne s’y sont pas reconnu.e.s. Ce n’est pas du tout le cas pour The Woman King. Je dis cela en tant que femme africaine noire née et élevée entre le Zimbabwe et l’Afrique du Sud en milieu rural et urbain. Lorsque j’évoque la « culture africaine » , je parle de ma réalité.

Les films occidentaux sur l’Afrique sont tire-au-flanc, avec un manque de recherches ou de respect pour l’exactitude historique ou culturelle, tandis que les cultures européennes sont dépeintes dans les moindres détails. Pour commencer, nous les Africain.e.s, en avons assez d’entendre les acteur.trice.s occidentaux être formé.e.s pour parler avec un impeccable accent britannique, alors qu’aucun effort n’est réalisé pour reproduire correctement les accents africains. À titre d’exemple, le père de T’challa dans Black Panther parle le xhosa, une langue sud-africaine et zimbabwéenne, tandis que T’challa, lui, s’exprime avec un accent « nigérian ». Une situation désobligeante car les médias occidentaux traitent l’Afrique comme s’il s’agissait d’un seul pays. L’industrie du cinéma a créé un « accent africain » fictif et générique pour un continent composé de 54 pays.

Les films Mandela : un long chemin vers la liberté (2013), sur le héros sud-africain de la libération, Nelson Mandela, et Winnie Mandela (2011) à propos de sa compagne de lutte, avaient respectivement dans les rôles-titres Idris Elba et Jennifer Hudson. Leur version insultante et remaniée de l’accent « sud-africain » nous a fait nous demander s’ils les avaient achetés sur eBay ou Shein. Même si nous savons qu’il existe en réalité 55 langues différentes au Bénin, la distribution de The Woman King peut, à l’inverse, se féliciter d’avoir conservé un accent ouest-africain particulier tout au long du film. Certain.e.s Béninois.e.s ont cependant souligné que les danses et musiques du films étaient inspirées d’autres cultures, et non de la culture Dahomey, ce qui renforce le discours selon lequel « l’Afrique est un pays ».

Les films hollywoodiens sur l’Afrique supposent, à tort, que la représentation noire américaine est automatiquement synonyme de représentation africaine. La distribution de The Woman King était essentiellement composée d’acteurs et actrices africain.e.s : 5 originaires d’Afrique du Sud, 1 d’Ouganda, 2 du Nigéria, 1 du Zimbabwe et fait notable, Angélique Kidjo, seule béninoise à l’affiche. Le manque de talents béninois dans un film sur le Bénin est décevant.

Hollywood peine à comprendre que l’identité afro-américaine diffère de l’identité africaine. Le design des costumes de Black Panther était futuriste, dans The Woman King en revanche, les Agojie portent des tuniques à rayures agrémentées de ceintures ornées de cauris. Ces coquillages étaient offerts aux véritables Agojie à la suite de batailles victorieuses. Une statue de 30 m d’une Amazone Agojie à Cotonou au Bénin, est vêtue d’une tunique à rayures similaires. La costumière a simplement changé les pantalons en jupes-shorts pour leur côté pratique. Le film contient des détails culturels que seul.e.s les Africain.e.s pourront identifier. Les cheveux de la plupart des guerrières ont été noués avec des fils grâce à une technique que mon peuple appelle "amabhanzi" et que j’ai portée pour aller à l’école en grandissant. Certaines guerrières dont les cheveux ressemblent à des tresses rousses portent la coiffure traditionnelle des femmes de la tribu Himba, créée à base d’argile rouge.

Les « critiques » de films tels qu’Armond White dans son article, qui ont ridiculisé les rituels de l’armée Agojie les qualifiant de « rituels de célébration de sororités avec des hululements de banshee » comme de simples fantaisies, témoignent de leur ignorance. Les Agojie hululaient avant d’attaquer les Oyo. Les Africaines hululent précisément de cette manière lors des célébrations et pour se donner du courage. Dans le film, les jeunes recrues Agojie ont marché sur les ronces épineuses d’acacia à l’entrainement tout comme les véritables Amazones Agojie. Elles sont passées par des rites d’initiation comme dans la plupart des tribus africaines ; les jeunes hommes xhosas par exemple, « vont dans les montagnes », pour se soumettre à certains rituels d’initiation à la virilité. The Woman King m’a touchée en plein cœur parce que c’est ça l’Afrique que je connais. Toute personne qui se moque de ces rites est intolérante et dispose d’une compréhension superficielle de la culture africaine.

D’autres boycottent le film notamment car il ne mentionne pas la participation des Agojie à la traite des esclaves sous le règne du roi Ghezo. Celles et ceux qui ont vu le film ne partagent pas cet avis. Le film, ainsi que sa bande-annonce, indiquent clairement que celui-ci est inspiré d’une histoire vraie et non basée sur une histoire vraie. La première scène de bataille des Agojie se termine par des villageois, des femmes et des enfants innocents qui se cachent après une de leur attaque sanglante, montrant ainsi le côté brutal de l’héritage Agojie.

Dès le début, le général Nanisca (Viola Davis) implore le roi Ghezo (John Boyega) de cesser d'asservir les gens pour financer son empire, et de laisser place à une économie basée sur la vente d'huile de palme. Cette idée a été défendue dans la réalité ; les membres du Conseil qui se sont alliés aux Agojie ont favorisé ce type d’économie. Sans en dire trop sur le scénario, The Woman King admet la complicité des Agojie dans l'esclavage tout en réimaginant le rêve africain pour lequel ils auraient dû se battre. Il est impossible de changer l'histoire, mais nous pouvons la réimaginer.

Les critiques prétendent que les innombrables films et séries biographiques sur des personnages historiques ne dépeignent que des personnes moralement parfaites. Ils glorifient souvent des personnes odieuses. Où était cette indignation lors de leur sortie ? 

Si vous boycottez The Woman King, alors vous devez également boycotter la série The Crown, (qui ne compte pas moins de 4 saisons) parce que la monarchie britannique a colonisé et réduit en esclavage les peuples africain et asiatique pendant des siècles. Boycottez la biographie sur Elvis Presley parce que c’était un prédateur sexuel pédophile. Boycottez les films sur les événements décrits dans la Bible car les Israelites ont envahi et asservi d’autres nations. Les personnalités qui ont marqué l’histoire font toujours l’objet de controverses. Lorsque nous racontons leurs histoires, nous devons montrer leurs contributions positives au même titre que leurs atrocités. C’est exactement ce que fait The Woman King

Je ne défends pas les failles des Agojie, mais en vérité, les médias grand public diabolisent les Noirs plus que les Blancs qui commettent les mêmes actes. Les grands médias mettent en lumière les atrocités africaines tout en ignorant celles de l’Occident parce que cela nourrit le stéréotype des Africains barbares, sanguinaires et le discours des « Noirs qui s’entretuent ». Les Européens se sont fait la même chose. Dans l’Empire romain, par exemple ; les « guerres » mondiales étaient essentiellement des « Blancs qui s’entretuaient », l’histoire est simplement racontée par les gagnants. Les médias sont également plus sévères envers les femmes qu’envers les hommes : la carrière de Chris Brown est florissante malgré ses violences tandis qu’une campagne de dénigrement a été lancée contre Amber Heard. Les Agojie ont, par conséquent, été réduites à leurs atrocités afin de discréditer tout ce qu’elles représentaient d’autre – comme combattre les colons.

Ce film ne traite pas de l'histoire du Bénin dans son ensemble, mais se concentre plus particulièrement sur l'existence exceptionnelle d'une véritable armée africaine entièrement féminine, crainte à la fois par les Africains et les Européens, ce qui est inédit en Europe. Non, les Agojie n’étaient pas parfaites, mais nous ne pouvons pas ignorer ce que leur existence a représenté pour le Bénin et les Africaines.  Ce qu’elle a signifié pour la déconstruction d’une misogynoir importée de la colonisation et qui a créé mythe selon lequel les femmes africaines étaient sans voix et inférieures aux hommes. Les Agojie se battaient aux côtés d’un autre régiment Dahomey entièrement masculin d’égal à égal. Alors que les femmes Blanches quémandaient des droits de propriété, les Agojie menaient des guerres et débattaient de politiques devant le Grand Conseil. Un empire africain des années 1600 à 1904 était plus progressiste que les pays européens à l’époque – remettez-vous-en. 

Ce film n’a pas été réalisé pour que les femmes Noires et les féministes se sentent bien dans leur peau. Il existe pour faire entendre les voix d’Africaines exceptionnelles, historiquement effacées. Une voix plus forte que le volume de l’afro du général Nanisca. 

Les héros célébrés de la libération africaine sont le plus souvent des hommes ; la barre est bien plus élevée pour les femmes africaines. Les Africaines doivent être des reines qui ont combattu les colons comme la reine Nzinga. Elles doivent être associées à des hommes puissants telle Winnie Mandela qui s’est battue avec autant de ferveur que son mari. Elles doivent être vénérées dans leur communauté, comme Mbuya Nehanda, la seule héroïne zimbabwéenne reconnue parce qu’elle était une leader spirituelle portant l’esprit Nehanda, honoré dans la culture shona. Mais les Agojie étaient des femmes normales, voire des rebuts de la société. Elles méritent d’être mises en avant pour rappeler aux femmes africaines que même si l’Histoire ne retiendra pas leurs noms, leur existence est légitime.

Le film reposerait sur des clichés féministes comme « la fille qui ne veut pas être forcée à se marier », mais les Agojie étaient des épouses et des filles remises au roi en raison de leur désobéissance. Le « critique » Armond White réduit le film à une « leçon d’histoire pseudo-politique risible qui montent les femmes contre les hommes », pourtant l’armée était réellement entièrement composée de femmes et l’armée Oyo était, incidemment, majoritairement masculine. Si vous considérez ce fait historique comme une promotion de la misandrie, vous projetez votre intimidation et votre suspicion personnelles face au féminisme.

White déclare dans son article « seul.e.s les ados devraient croire en ces inepties », mais en réalité seuls les vieux Américains dépourvu de toute compréhension de la culture africaine et de l’identité de genre croiront en la rhétorique selon laquelle The Woman King fait de « l’afrocentrisme féministe immature ». La prétendue « inversion des genres » du film n'est qu'une projection sur l'Afrique des binarités patriarcales occidentales, alors que certains de ces rôles n'ont jamais existé dans toutes les cultures africaines. Dans son article, l'universitaire Nkiri Nzegwu explique parfaitement la manière dont l'identité de genre africaine a toujours été fluide, en utilisant la culture Igbo comme exemple, où le genre change selon le rôle, la fonction et le contexte.

La féminité du sage efféminé de la cour du roi Ghezo n'a jamais été signalée comme singulière dans le film. Je le comprends très bien parce que dans ma culture Ndebele, les monarques étaient conseillés par des chefs spirituels dont le genre est typiquement fluide car ils portent des esprits multigenres. Lorsqu'un esprit féminin est dominant à un moment donné, un sangoma masculin est désigné par un titre féminin et se présente comme une femme sans que cela ne soit remis en question.

The Woman King ne dépeint pas la société du Dahomey comme étant un parfait paradis féministe. Le film admet que même si les Agojie étaient considérées comme les égaux des soldats masculins, cela n'a pas automatiquement créé une égalité totale pour les femmes. Les femmes étaient poussées dans une dichotomie où elles ne pouvaient être que des épouses, des mères et des filles dévouées, ou des soldats impitoyables qui n'avaient pas le droit de se marier ou d'avoir des enfants – sans compromis possible.

Faites-vous une faveur et allez voir ce film inspirant et puissant qui brise le plafond de verre des médias euro-centriques. Pour ma part, je le reverrai inlassablement jusqu'à ce que Viola Davis et Thuso Mbedu sortent de l'écran de ma télé pour demander de l'eau.

Faites partie de la conversation

Zoleka Mazibuko est titulaire d'une licence en droit, français et sciences politiques et étudie actuellement le LLB Honours à l'université de Pretoria. Lorsqu'elle ne gère pas son entreprise de décoration et de gestion d'événements ou d'écrire son roman fantastique africain féministe, elle peint des œuvres d'art féministes africaines et publie sur son blog des articles d’opinion sous un angle de conscience féministe et africaine.

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« Même après avoir passé le témoin, nous faisons toujours partie intégrante de l’équipe » - Lusungu Kalanga (Malawi)

Depuis notre lancement en 2018, Eyala a encadré/mis en place plusieurs espaces de conversations entre féministes africaines. Nous avons également eu la possibilité de rejoindre plusieurs autres espaces dans le cadre de notre mission de soutien à la création du mouvement féministe africain.

L’un des thèmes récurrents dans ces espaces féministes est celui des tensions entre les différentes générations de féministes africaines. Nous avons constaté que la plupart de ces conversations tournaient autour des problèmes et conduisaient souvent à des accusations et au classique renvoi de balle, laissant ainsi peu de place aux discussions sur les solutions possibles. 

Ce mois, nous discuterons des tensions féministes intergénérationnelles, dans l’espoir que ces conversations sur lesquelles nous mettons l’accent nous permettront toutes de dépasser les véritables défis que nous avons identifiés et de commencer à mettre en place des solutions qui maintiendront la solidité de nos mouvements. 

Lusungu Kalanga, l’une des conseillères d’Eyala, nous ouvre la voie avec une excellente réflexion qui aborde ce thème. 


Je tiens tout d’abord à préciser une chose : la génération dans laquelle je me situe varie selon les espaces que j’occupe. Dans certains espaces, je suis une jeune féministe, tandis que dans d’autres, je suis une féministe plus âgée. 😊

Récemment, Emmie Chanika, défenseure de renom des droits humains, est décédée. Infirmière de formation, Madame Chanika a commencé sa mission d’activiste en février 1992, lorsqu’elle a fondé le Civil Liberties Committee (Comité des libertés civiles, NDLR), la première organisation de défense des droits humains du Malawi. Emmie Chanika, comme d’autres combattantes pour la libération du Malawi, dont Rose Chibambo, Vera Chirwa et Emily Mkamanga, a beaucoup sacrifié afin de créer le mouvement féministe/des femmes du Malawi dans des conditions extrêmement difficiles avec peu de ressources. 

Toutes ces femmes ont commencé à militer très jeunes, la plupart à l’adolescence ou au début de la vingtaine. Elles ne se sont peut-être pas déclarées féministes (nom), mais elles étaient féministes (adjectif). Ce parcours est semblable à celui de nombreux mouvements de femmes sur le continent et au-delà. 

Je pense au travail de ces femmes et à la base qu’elles ont établie pour les jeunes féministes et je juxtapose cela aux tensions qui existent entre les féministes plus âgées et plus jeunes aujourd’hui. Comment honorer ces femmes au Malawi et sur tout le continent d’une part, tout en admettant d’autre part, que ce travail est comme une course relais où nous nous passons le témoin les unes aux autres ? Même après avoir passé le témoin, nous faisons toujours partie intégrante de l’équipe. 

Comment concrétiser cela dans nos mouvements ? Reconnaître toutes les intersections qui existent, que nous ne sommes pas homogènes et surtout remettre en question les dynamiques de pouvoir qui existent dans le mouvement notamment les différences d’âge et le fait que certaines d’entre nous militent depuis des décennies ? 

Nous est-il possible d’avoir des conversations importantes et un co-leadership intergénérationnel ?

J’ai dans mon parcours féministe, participé à un grand nombre de « conversations et de panels intergénérationnels » qui m’ont poussé à m’interroger sur la véritable nature de mon rôle. Une fois, je participais à l’un de ces panels en tant que jeune féministe avec une féministe plus âgée, et les seuls mots que j’ai pu prononcer étaient des salutations. J’ai réalisé que je n’étais présente que pour la forme. 

Nous devons réfléchir aux déséquilibres de pouvoir qui existent entre les féministes plus âgées et plus connues et les plus jeunes, moins connues. Comment instaurer un espace sûr pour des conversations honnêtes, équilibrées et introspectives ? Nous devons continuer à faire preuve de prudence et à être intentionnelles lorsque nous rassemblons des féministes jeunes et plus âgées, afin que les espaces soient bénéfiques à toutes, sans que les autres se sentent réprimées. Parfois, il peut s’agir de reconnaître son privilège et refuser d’être placée sur un piédestal, passer le micro et la plateforme pour que de nouvelles voix puissent être entendues et se valider mutuellement. 

Qui plus est, lors de collaborations entre des jeunes féministes et des plus âgées, il est crucial que celles-ci reposent sur un partenariat égal et la résistance à l’infantilisation des jeunes féministes. Si les jeunes féministes doivent s’affirmer, il incombe également à celles qui travaillent dans ce domaine depuis plus longtemps de fournir le soutien et la confiance nécessaires envers les capacités de leadership des nouvelles venues. 

Comme le dit l’une de mes mentors féministes, Jessica Horn, le leadership féministe est une question de compassion et d’amour révolutionnaire, et cela devrait se refléter dans nos échanges les unes avec les autres. Le collectif doit être au centre.. 


Pouvons-nous apprendre les unes des autres ?

J’ai eu la chance d’apprendre de féministes, jeunes et moins jeunes à travers le continent et le monde. Outre l’apprentissage et le désapprentissage continus des expériences d’autres femmes et des miennes, je me suis également plongée dans la lecture de textes sur nos devancières , apprenant et désapprenant pour façonner nos politiques féministes. 

J’estime qu’apprendre et désapprendre impliquent une réciprocité et je me demande souvent si c’est le cas. Les féministes plus âgées prennent-elles le temps d’apprendre des plus jeunes ? Est-ce que celles qui font partie de ce mouvement depuis des années estiment que les féministes plus jeunes ont quelque chose à y apporter ? Sont-elles disposées à se remettre en question afin de voir le monde du point de vue des jeunes féministes ? 

L’activisme en ligne mené par les jeunes féministes sur l’ensemble du continent connaît un essor impressionnant qui ne peut être ignoré. Cela se traduit également dans le travail sur le terrain avec l’émergence de jeunes mouvements féministes. Nous avons par exemple dans mon pays le Malawi, le Young Feminist Network, PEPETA Malawi et She Decides Malawi. Des mouvements menés et portés par de jeunes féministes qui luttent en faveur des droits en matière de santé reproductive, de l’engagement politique et de la fin de la violence faite aux femmes. 

Si les jeunes féministes continuent de s’inspirer des féministes plus âgées en matière de présence, de courage et de cohérence, les féministes plus âgées ont au même titre, beaucoup à apprendre et à tirer parti des espaces que les jeunes femmes ont créés sur le plan du leadership horizontal, du repos et du centrage sur les personnes en marge. 

Pouvons-nous reconnaître nos différences et trouver des moyens de nous soutenir mutuellement ?

En tant que féministe, l’un des aspects sur lequel nous insistons est que nous ne sommes pas homogènes. Nous avons des priorités différentes, tout en reconnaissant les intersections qui existent parmi nous. En ce qui concerne la différence d’âge, celle-ci accentue sans équivoque, qu’il existe de nombreuses différences de priorités. Ce n’est pas grave, et ça ne devrait pas créer de fossés entre nous. 

Nous pouvons améliorer notre capacité à faire preuve de curiosité à l’égard des expériences vécues, des besoins et des défis de chacune et utiliser notre pouvoir pour soutenir et créer de multiples points d’ancrage au sein de nos mouvements afin de valider les luttes des unes et des autres. Pour paraphraser Audrey Lorde, nous ne sommes pas libres tant qu’aucune femme n’est libre, même lorsque nos chaînes sont totalement différentes.  

Parallèlement, nous devons résister au discours patriarcal selon lequel lorsque nous sommes en désaccord sur des idées ou des manières de travailler, nous sommes ennemies. Nous devons reconnaître le vieux « syndrome du rabaissement », amplifié et renforcé par les misogynes afin de nous monter les unes pour ce qu’il est : une distraction. Bien entendu, nous ne pouvons pas invalider les expériences individuelles et devons nous tenir mutuellement responsables. Nous devons toutefois veiller à ne pas laisser les discours patriarcaux devenir notre histoire. 

Le pouvoir est dans le collectif...

Le 9 août 2018, Eyala a fêté son lancement en invitant 40 femmes qui suscitent l’inspiration à Dakar. Chaque invitée a partagé un mot qui résume le mieux son expérience de ce que signifient être une femme et une féministe. À partir de cet espace hors-ligne, la conversation a basculé sur Twitter, où un appel a été lancé, invitant les féministes à partager leurs mots. Le mien était « Résistance ». L’un des mots qui m’ont fait réfléchir est celui d’une autre de mes mentors féministes, la féministe zimbabwéenne Everjoice Win. Elle a écrit :

« Mon mot est COLLECTIF. Quoi que nous fassions, cela doit profiter au COLLECTIF. Le COLLECTIF est une source de POUVOIR. Bien évidemment, vous pouvez vous battre pour vos propres droits. Je peux et dois agir. Mais en travaillant au sein d’un COLLECTIF, je peux participer à un changement plus important et durable. » 

Eyala a célébré ses 4 ans cette année et je me suis retrouvée à relire ce fil de discussion et à réfléchir à ce mot ainsi qu’aux autres mots marquants : « amour », « liberté », « radical », « courage » ... mais toujours au centre de ces derniers : le collectif.  

Le féminisme est un combat politique et tout le monde a un rôle à jouer dans la lutte pour notre liberté. Le patriarcat se réinvente et s’adapte constamment. Nous pouvons le constater à travers les politiques de droite régressives de plus en plus visibles, les taux élevés de violence contre les femmes et les personnes de genre non conforme en ligne et dans la vie réelle, et la lutte pour nos droits en matière de santé reproductive, par exemple. 

Mon souhait pour le présent et l’avenir est que nous continuions à nous appuyer sur les points forts de chacun en tant que collectif et à créer un espace pour apprendre et désapprendre ensemble. Il est possible d’avoir des conversations honnêtes qui évoluent en actions tangibles. Il en est de même pour le co-leadership. 

Maintenant, plus que jamais, nous devons continuer à bâtir et renforcer nos mouvements et compter les unes sur les autres. 

Faites partie de la conversation

Lusungu est une féministe et une militante, membre du Cercle des Conseillères Stratégiques d’Eyala. Elle est co-créatrice du podcast Feministing While Malawian et co-fondatrice de Growing Ambitions. Suivez ses réflexions sur Twitter : @lusukalanga

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« Que vous vous en sentez capables ou non n’est pas la question. Moi j’ai confiance en vous… » - Edwige Dro (Côte d'Ivoire)

   Accra / Prampram – Ghana

Au cours des cinq derniers mois, nous n’avons fait que des réunions en ligne et discuté seulement via WhatsApp pour planifier le contenu d'Eyala en vue de son relancement, tout en s’imprégnant de sa vision: Être une plateforme par, pour et sur les féministes africaines. Nous avons parcouru les tonnes de belles choses que Françoise a rassemblées au fil des ans… Affaire à suivre !

Tout au long de ces cinq mois, nous nous sommes demandées si nous avions ce qu'il fallait pour être les tantines qui assurent pour Eyala, alors que Françoise ne se souciait même pas du bien-être de son bébé.

« Que vous vous en sentez capables ou non n’est pas la question. Moi j’ai confiance en vous sinon je ne serai jamais venue vers vous » , a-t-elle dit.

Et nous avons dû la croire, que nous pouvions nous débrouiller sans mettre en danger le bébé.

Mais bien que nous ayons fait beaucoup de choses par le biais de Zoom, eh bien, Zoom ne peut pas remplacer les interactions humaines et ne permet pas non plus le silence, ou ces conversations qui prennent la tangente, n'ayant apparemment rien à voir avec le sujet du jour mais contenant en elles la graine de quelque chose de fantastique. Et c'est pour cela que la retraite devait avoir lieu, parce que nous devions nous rencontrer pour nous plonger dans le relancement d'Eyala, rencontrer notre merveilleuse communauté à Accra, et pour vraiment se voir en vrai !

Et nous nous sommes rencontrés.

Nous vous épargnerons la recherche d'un percolateur à café qui nous a fait aller d'un café à un centre commercial à un supermarché. Des appels téléphoniques ont même été passés, chères lectrices (et lecteurs), et une demi-journée de réunion s'est envolée, mais nous avons trouvé le percolateur à café, un piston à café nommé à juste titre Kofi la cafetière. Une fois que nous l'avons trouvé, nous avons continué notre voyage jusqu'à Prampram où pendant trois jours, de 9h à 18h, avec deux heures allouées au déjeuner, nous avons planifié le relancement de la plateforme Eyala avec le matériel que nous avions déjà, les choses qu’il fallait absolument qu’on écrive parce que nous avions cette opportunité de permettre aux conversations de dévier, les valeurs que nous défendions, notamment l'amour et la gentillesse dans nos interactions avec des féministes africaines et dans des conversations féministes africaines. Mais surtout, nous avons pu nous rencontrer, apprendre à nous connaître et nous amuser ! Nos échanges ont transcendé Zoom !

Jama n'est pas seulement la boss des stratégies de contenu et de planification, mais elle est aussi la fille qui a toutes les citations de feu. Quant à Nana, nous l'appelons unanimement la coordinatrice exécutive en chef. Rien n'arrête cette femme, pas même le fait de se retrouver dans un environnement qu'elle ne connait pas, et d'y organiser des sessions de travail, que ce soit dans une salle de conférence ou décider de transporter le bureau au bord de l'océan. Les conversations de Françoise lors des déjeuners et des dîners qui redonnent une confiance extraordinaire en soi, l'ouverture et la transparence dont elle faisait preuve au quotidien. Et puis il y a eu ces cartes postales que nous nous sommes échangées à la fin de la retraite. Des cartes avec des mots si édifiants et encourageants qu'ils n'exigent aucune autre réponse que de se dire : « Prends ton pouvoir ! »

Puis nous sommes retournées à Accra, où notre communauté Afrifem nous a chaleureusement accueillies, a partagé avec nous ses attentes et nous a demandé comment elle pouvait nous aider. 

Comme c'est merveilleux d'être soutenues, encouragées et mises au défi par des femmes, même lorsque vous les faites traverser Accra en voiture à la recherche d'un percolateur à café, comme je l'ai fait ! Ai-je mentionné les rires ? Oh, les rires ! Les rires pendant nos repas, alors que nous protestions contre le feu de camp que le centre de villégiature essayait de nous imposer et demandions à la place qu'ils ramènent le Kelewele. Rire lorsque nous avons été régalées par les citations très pertinentes de Jama Jack. Et des rires lorsque nous avons réfléchi à la question du "what about-ism" qui semble surgir chaque fois que les féministes réfléchissent ou font quoi que ce soit pour démanteler le patriarcat omniprésent qui englobe tout le monde.

Ai-je besoin d’ajouter que nous étions impatientes de rentrer chez nous et de se mettre au travail tout en ébauchant des plans pour ces retraites Eyala deviennent une tradition.



« Je crée une cohésion entre les endroits où je suis allée et ceux où je vais » - Nana Bruce-Amanquah (Ghana – USA)

Salut tout le monde 😊 je suis ravie de rejoindre Eyala en tant que coordinatrice d’équipe pour le blog. Ce billet sur les transitions n’a pas été facile à écrire, ce qui est drôle quand on sait qu’en seulement 24 ans d’existence, déménager d’un endroit à l’autre est l’une des choses que je connais le mieux.

Voici mon histoire : je suis née à Accra au Ghana (1). Je suis allée à l’école primaire/élémentaire à Harare au Zimbabwe (2) puis j’ai vécu à Bonn en Allemagne (3) pendant toutes mes années collège et le début du lycée. Après ça, ma famille a déménagé à Orlando aux États-Unis (4) où j’ai terminé le lycée. J’ai obtenu ma licence à Baltimore aux États-Unis (5), j’ai commencé mon master à Paris en France (6) avant de rentrer à Orlando (7) lorsque la pandémie est survenue. J’ai décidé de prendre une année sabbatique et de faire une pause dans mes études de master. J’ai fini par retourner à Baltimore (8) où j’ai eu mes premiers jobs en dehors de la fac, et terminé mon année sabbatique. Puis je suis rentrée à Accra (9) pour la première fois depuis des années afin d’y réaliser mon premier stage rémunéré. Je vis actuellement de nouveau à Paris (10), où je termine mon master tout en effectuant ce travail à distance.

Donc en gros : 

C’est très clair n’est-ce pas ? 😅 Ouais, c’est plutôt :

Si vous vous êtes perdu.e.s en essayant de suivre toutes flèches sur la carte, pas de soucis, parce que moi aussi. 😂 

Blague à part, j’ai eu beaucoup de mal et je rencontre toujours des difficultés à relier les étapes de mon parcours. Chaque année scolaire (celle-ci y compris !) a débuté avec des questions du genre « Tu viens d’où ? », « Où est-ce que tu as grandi ? », ou la plus redoutable « C’est où chez toi ? ». Pour empirer les choses, en tant qu’étudiante on te demande « Que comptes-tu faire ensuite ? ». Je me suis toujours senti bien en ayant des réponses claires (pas nécessairement simples) à mes questions. Alors devoir gérer l’incertitude autour de la question de qui je suis et qui je veux être en même temps, ça fait beaucoup. Ajoutons à cela une pandémie pas vraiment finie et les défis de la vie d’adulte, toute cette situation suffit à me donner envie de crier intérieurement tout le la plupart du temps.

Toutefois, un parcours défini n’est pas toujours satisfaisant. Lors de ces dernières années, je me suis habituée à faire semblant et le milieu universitaire a incroyablement facilité les choses. Je vais en cours, je fais de mon mieux pour avoir l’air intelligente, je fais mes devoirs, j’ai de bonnes notes et le cycle se répète sans cesse. Que je comprenne ce que je fais ou que j’y adhère n’est pas la question. Le plus important c’est d’avancer, souvent au détriment d’autres aspects de la vie comme le repos et la réflexion. Ne pas réfléchir permet plus facilement de prendre les choses pour acquis.

Pour être honnête, j’ai traité mon parcours féministe de la même manière. Je suis étudiante à une époque où le féminisme est relativement « cool » ou même « grand public ». C’est donc plutôt facile de trouver des informations, suivre des personnes sur les réseaux sociaux et prêter attention aux débats sans m’arrêter pour me demander comment les théories et les idées se mettent en œuvre concrètement dans ma vie ou ce qu’est le féminisme pour moi et mon avenir s’il n’y avait personne autour à impressionner. Il y a tant de questions et si peu de temps pour les poser. 

Et même si j’avais le temps et l’énergie pour le faire, est-ce que j’ai moi-même trouvé ma propre identité ? Me suis-je suffisamment remise de ma fatigue universitaire pour savoir si je suis plus féministe ou womanist, ou si je suis une féministe noire ou une féministe africaine ou tout bêtement si je suis « suffisamment féministe » parce que je préfère râler avec mes ami.e.s et lire des romans plutôt que de faire quelque qui me terrifie réellement comme sortir manifester ou interpeler les membres de ma propre famille lorsqu’ils disent un truc avec qui je ne suis pas d’accord? 

Les cris intérieurs continuent ! 😅 Toutefois, qu’une autre période de transition se profile avec la fin de mon master en juin, je me demande si les cris intérieurs, ne sont pas des signaux d’angoisse, mais plutôt le signal que mon corps et mon esprit reconnaissent les tensions en moi que je dois prendre le temps concilier.

Le cycle quasi incessant de transitions m’a révélé que je pouvais faire preuve d’ingéniosité, que je savais faire ce que j’avais besoin de faire. Néanmoins, ce sentiment presque toujours présent d’être en mouvement, rend difficile de savoir ce qui se passe réellement lorsque la situation se calme. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve après mes études, mais j’ai une idée de la direction que je souhaite prendre. Pour changer, ce serait intéressant de voir ce qui arrive lorsque je vis dans une seule ville sans déménager pendant un moment. 

Et plus encore, peut-être que je recherche une sérénité mentale et émotionnelle qui me permettrait d’harmoniser, non, de coordonner (HA 😆, vous l’avez ? Parce que je suis la coordinatrice d’équipe ? Je ne regrette rien  😁) mes expériences de vie et l’avenir que je désire me construire. J'espère qu'un jour, lorsque je prendrai du recul pour regarder la carte de tous les pays où j'ai vécu, je me dirai que je suis en train de créer une cohésion entre les endroits où je suis allée et ceux où je vais. 😌

« Je lève le pied de l’accélérateur...» - Edwige-Renée Dro (Côte d'Ivoire)

Je choisis de me laisser porter et de profiter de tous les paysages, d'écouter tous les sons, d'être simplement en accord avec les enchaînements naturels des petites choses qui composent la vie.

Une amie a récemment fait mon portrait. Dans celui-ci elle a évoqué toutes mes activités de cette manière :

Elle est coordinatrice de programme pour AYADA Lab. Elle bénéficie d’une bourse de la fondation Miles Morland et travaille sur son premier roman, elle est traductrice, et maître de conférences pour la Commonwealth Foundation. Tout cela, en parallèle avec la gestion d'une bibliothèque, des résidences, des rôles de juge littéraire, l'animation d'ateliers d'écriture et de traduction littéraire, la publication et l'écriture de nouvelles, son genre préféré, et la traduction. 

Puis elle a ajouté : Je suis admirative de tout ce que fait Edwige. 

Lorsque c’est présenté de cette manière-là, même moi, je suis impressionnée par tout ce que je fais. Une autre amie m’a demandé une fois, « Comment fais-tu pour tout gérer ? » et je lui ai répondu, « Tant que j’ai mes 8 heures de sommeil, ça va. »

C’est totalement vrai que j’ai besoin de 8 heures de sommeil – pas 9, pas 10, sinon je me réveille groggy et fatiguée, et je ne peux rien faire. Huit heures donc. Ni plus, ni moins. Lorsque j’ai pensé pouvoir en faire plus si je dormais moins, certainement après avoir lu un livre absurde qui préconise de dormir cinq par nuit pour en faire davantage, ou écouté des phrases-choc capitalistes du style « je dormirai, quand je serai mort.e » ; je n’ai jamais rien fait de plus. Au contraire, j’ai fini dans un état léthargique, fatiguée. Pas du tout productive et donc incapable de faire quoique ce soit. Je me suis également rendue compte que je ne faisais pas tout ce que je faisais pour à tout prix accomplir quelque chose, pour être au-dessus de tout le monde. Je suis simplement une personne passionnée, et toutes mes activités résultent d’enchaînements naturels de tout ce qui me passionne.

Lorsque l’on m’interviewe ou que l’on me demande de me présenter, vous lirez toujours ces mots : 

Edwige Renée Dro est une écrivaine, traductrice littéraire et activiste littéraire. 

Ce n’est pas parce que j’ai décidé que je deviendrai écrivaine, puis que je ferai telle ou telle chose avant de me lancer dans la traduction. Non, ces étapes se sont produites naturellement. J’aime converser. J’aime la politique et son incidence sur nos vies et je fais partie des personnes qui estiment que tout est politique. Par conséquent en choisissant la traduction littéraire, et les autres éléments qui nourrissaient mes opinions politiques, ce qui m’intéressait c’était de faire entendre de nouvelles voix dans la conversation du moment. Il se trouve qu’à cette période, la conversation était centrée sur l’Afrique, présentée comme le continent de l’avenir, celui plein d’espoir, l’endroit à suivre. Ces déclarations provenaient essentiellement de l’Occident, et étant donné que je vis en Afrique, je suis parfaitement consciente de la manière dont le continent peut être emprisonné dans ses barrières linguistiques. Ce qui m’intéressait c’était donc de créer un lien, et pour moi les histoires créent des liens.

Lorsque j’ai créé la librairie 1949 à Yopougon (Abidjan), je souhaitais m’attaquer aux inégalités sociales que je vois à Abidjan. J’ai adopté une approche féministe pour le faire, parce que j’étais fatiguée de voir les histoires des femmes africaines et noires enfouies ou adoucies. Me retrouver chargée de la rédaction du contenu français d’Eyala est un autre de ces enchainements naturels. 

Lors du processus de réflexion pour 1949, Eyala faisait partie des plateformes que je consultais régulièrement. J’appréciais l’accessibilité du registre de langue, les pensées et les interviews qui appelaient à la réflexion, ouvraient des conversations dans un esprit de rassemblement. Le désir de faire créer un collectif tout en laissant ressortir l’individualité. J’ai beaucoup aimé le fait que le blogue soit bilingue français-anglais, personne n’était laissé pour compte. 

Donc lorsque Françoise m’a demandé si ça m’intéressait de faire partie de l’aventure j’ai bien évidemment répondu « Oui ». J’ai également accepté parce qu’il s’agit d’un défi qui me fait sortir de ma zone de confort, rien que par le fait d’écrire en français et non en anglais. Mais de nouveau, rédiger en français à cette période de ma vie apparait comme une autre évolution naturelle des choses. J’ai remarqué que les conversations autour du féminisme en Afrique, mais aussi dans le monde, sont majoritairement en anglais. 

Même les mentions du féminisme semblent dominées par ce qui arrive dans la sphère anglophone de l’Afrique. C’est malheureux de ne connaître qu’un nombre limité de féministes africaines uniquement parce que celles-ci ont eu la chance (existe-t-il un autre mot ?) de naître en Afrique anglophone. Je me souviens d’avoir fait semblant de ne pas connaître un grand nom du milieu, en raison de cette hégémonie, et on me répondait « Tu ne connais pas… ? » 

De la même façon que toi tu ne sais pas qui est Constance Yai ou Awa Thiam. Où est le problème ?

Donc tout en me laissant porter par ces séquences naturelles, je veux accepter de sortir de ma zone de confort : en écrivant en français, oui, mais aussi en exposant davantage mes nombreuses activités. 

Avant, je disais oui à ceci ou à cela et j’allais à la salle de sport, car il n’y a rien que j’aime plus que de soulever des poids et de transpirer. 

Mais là, je fais du yoga, je me promène dans la nature, je refuse un autre voyage d’affaires et je m’efforce d’être plus attentive.

« Je prie pour que mes pieds me guident toujours où mon cœur me mène » - Jama Jack (Gambie)

Je ne me rappelle pas quand j’ai commencé à écrire, mais je sais que c’est le mode d’expression avec lequel je suis le plus à l’aise. Lorsque je parle et que les gens saluent mon éloquence, nombre d’entre eux ignorent je préfèrerai écrire plutôt que parler.

Mon parcours avec l’expression de ma voix a pris tellement de tournants au cours de mes trente et quelques années de vie dans ce monde. À chaque tournant, une prise de conscience de ce véritable don d'expression me rappelle que je dois l'accueillir comme une bénédiction. 

Quand j’étais jeune, timide et renfermée dans ma coquille, on me trouvait toujours le nez (et même tout le corps) dans un livre. Mon appétit pour la lecture a été nourri par ma mère qui nous achetait toujours des livres à lire et lourdement investi pour que nous ayons une éducation de qualité. Je me souviens que lorsqu’elle est allée faire ses études de master au Royaume-Uni, elle nous a ramené un gros carton de livres à ma sœur et moi, au lieu des vêtements de soirée chics que nous lui avions demandés durant son année à l’étranger. 

Mon oncle – d’heureuse mémoire – venait également tous les jours et me donnait les journaux qu’il rapportait du travail. Parfois, nous les lisions ensemble et analysions les actualités. Je me souviens également de Sarjo, l’une de nos employées de maison qui m’a dit un jour que je serai kidnappée par les djinns, parce que j’avais pris l’habitude de ramasser des bouts de papier dans les rues pour lire ce qui y était écrit. 

Plus je lisais, plus j’avais envie d’écrire. Plus ce désir grandissait en moi, plus j’avais le courage de prendre la plume et d’exprimer mes pensées, que ce soit dans mes journaux intimes cadenassés ou à travers des poèmes et des nouvelles que j’écrivais pour l’école.

Alors que je grandissais et avais une nouvelle compréhension du monde autour de moi, ma voix a elle aussi pris de l’ampleur. Cela à chaque fois en alignement avec mes valeurs et les choses qui me passionnaient tout en ayant le courage de découvrir de nouveaux horizons.

Cela est passé par ma voix de fillette de 10 ans qui exigeait le respect des droits des enfants et qui défendait le soutien des personnes vivant avec le VIH, puis à celle de l’adolescente de 19 ans qui a trouvé un nom et une communauté pour son féminisme, et maintenant à la jeune femme de 31 ans qui continue d’apprendre et à grandir dans les manières dont cette voix se manifeste à moi-même et au monde.

Il y a quelques temps, j’ai twitté pour exprimer ma gratitude envers le fait que l’écriture représente une grande partie de mon emploi rémunéré, en repensant à la manière dont cela s’inscrit dans l’idée « d’un job de rêve ». Cela dit, j'ai également reconnu le défi que représentent les baisses d'énergie créative lorsque des délais à respecter sont comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête et déclenchent des crises d'angoisse. En comprenant ce sentiment, surtout au cours des deux dernières années (à cause de l’écriture pendant la pandémie), j'ai appris à me créer un espace de grâce et de patience envers moi-même et mon processus créatif. J'accepte, avec chaque nouveau défi, que mes mots viennent à moi quand je suis prête, et me forcent parfois à choisir le support par lequel je vais partager. 

Respecter et avoir confiance en ce processus, m’a permis de dire un grand « OUI » à de nombreux projets qui me paraissaient impossibles ou inaccessibles. J’ai accueilli avec joie la transition de n’écrire que pour un blog à l’écriture pour le grand écran en me plongeant dans le monde de la réalisation de films. Même s’il est parfois fastidieux et effrayant, ce parcours s’est révélé tellement beau qu’il m’arrive souvent de rêver d’un futur où je ne fais que réaliser des films, écrire des livres et explorer pleinement ma créativité.

L’une des constantes de ces ambitions est que je souhaite faire tout ça d’une manière qui soit utile à l’humanité et qui s’aligne avec mon parcours de féministe.

C’est pourquoi même en doutant de moi des millions de fois, j’ai choisi de dire OUI à Eyala et au voyage que nous allons entamer ensemble. Je me souviens d’avoir parlé à une amie de mon rôle au sein d’Eyala en le décrivant comme étant l’intersection même de la trame créative féministe dans laquelle je désire exister pour toujours. Pouvoir le faire, entourée d’une communauté de collègues exceptionnelles est la cerise sur ce gâteau déjà merveilleux. J’espère ne jamais perdre mon enthousiasme à l'approche des réunions d'équipe. Qui a hâte d’avoir des réunions Zoom de 2 heures, hein ?

Je me réveille toujours certains jours, très angoissée en pensant à la confiance qui m’est accordée et qui m’a menée jusqu’ici, et à la pression (que j’exerce en réalité sur moi-même) d'exceller et de donner le meilleur de moi-même. Je sais aussi, désormais, que je ne suis pas obligée de faire ça toute seule, et qu'il y a une grande beauté à partager des parcours et à construire une communauté avec des personnes qui ne considèrent pas mes rêves comme « trop extravagants » ni ne rejettent mes craintes comme si elles étaient inutiles. 

Alors que je continue à lire, écrire et créer, je prie pour que mes pieds me guident toujours où mon cœur me mène, car il m’a toujours trouvé de grands espaces et des expériences épanouissantes. 



Joyeux anniversaire Eyala! Lettre à celle que j'étais il y a un an, jour pour jour

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J’ai du mal à y croire, mais le calendrier ne ment pas : Eyala fête son premier anniversaire aujourd'hui. L’occasion de réfléchir comment cette expérience m’a transformée depuis son lancement, sous la forme un peu étrange d'une lettre à la femme que j'étais ce jour-là,.

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