« Être un leader, c'est juste ouvrir la porte et commencer. » - Tchonté Silué (Côte d’Ivoire) - 4/4

Nous finissons notre conversation avec Tchonté Silué, blogueuse ivoirienne et entrepreneure sociale dans la domaine de l’éducation.  Elle a déjà parlé de son amour pour les livres, du fait qu’elle soit une jeune fille studieuse pendant son enfance (Partie 1), de sa conversion à l’islam (Partie 2), de sa résistance sur les réseaux sociaux et de sa bibliothèque, le Centre Eulis (Partie 3). Dans cette dernière partie, Tchonté complète notre discussion avec ses pensées sur la solidarité et ses objectifs pour le système éducatif ivoirien.

Tchonté a été interviewée par Françoise Moudouthe fin 2019, dans le cadre d'un projet documentant la résistance des filles dans le monde. La conversation a été éditée par Nana Bruce-Amanquah et Chanceline Mevowanou pour notre série #GirlsResistWA. Vous pouvez trouver plus d'informations sur la série ici.

Avertissement: cette conversation pourrait contenir des mentions de violence et d’abus qui pourraient choquer celles qui nous lisent. Veuillez prendre un moment pour décider si vous souhaitez continuer la lecture. Si vous continuez, nous vous encourageons à vous concentrer sur votre bien-être et d’arrêter la lecture à tout moment, selon vos besoins.

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Quand est-ce que tu as senti que ta résistance personnelle devenait quelque chose de plus collectif ? Comment est-ce que ton parcours et ton action individuelle se sont connectés à quelque chose d'un peu plus collectif ?

Avec le Centre Eulis, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas tout faire et que j'avais besoin d'autres personnes. Les gens sont venus naturellement me dire : « j'aimerais bien être bénévole ici ». Je me suis rendu compte que quand on travaillait ensemble, en équipe, on accomplissait beaucoup plus de choses. Ce qui me manque, certaines personnes peuvent le combler grâce à leurs qualités. J’ai observé ce fait dans les autres communautés dans lesquelles je suis aussi. Je découvre différents profils et je suis motivée par ces personnes que je rencontre. Parfois, même si j'ai des doutes et des faiblesses, je peux voir une personne et je me dis : « Mais si elle accomplit ça, c’est que c'est possible et je peux le faire aussi ». 

Est-ce que tu as trouvé cette même force de l’action collective sur les réseaux sociaux ? Quelles sont tes pensées sur le rôle que le collectif joue dans la résistance sur Internet ?

Oui! Je fais partie de l’organisation Global Shapers. C’est un réseau mondial de jeunes leaders qui est une des autres communautés dont j’ai parlé. Chaque année à la rentrée, on fait une collecte de dons de kits scolaires. Il y a une année où on s’est donné comme objectif de collecter chacun au moins 100 000 francs. J'ai fait une publication pour en parler et au moins cinq personnes m’ont contactée pour le faire. Ce n’était pas de gens dont j’étais proche, juste des personnes qui me suivaient sur les réseaux sociaux. Des gens qui ne me connaissent pas mais qui soutenaient mon action. Je me dis aussi que c'est peut-être parce qu'ils ont vu que j'avais envie de faire quelque chose. Je crois qu’il y a beaucoup de personnes de bonne volonté mais qui ne savent juste pas comment aider. Donc, une fois qu'on crée un peu le cadre, les gens suivent naturellement. 

C'est pareil quand on parle de résistance. Quand j'ai écrit mon article pour parler d'estime de soi par rapport au physique, j'ai plein de personnes qui m'ont dit : « merci beaucoup parce que moi aussi j'avais des complexes et je ne voyais pas forcément les choses comme ça ». Pour moi, il y a plein de personnes qui pensent comme nous. C'est juste qu'il faut qu'on puisse en parler pour les découvrir. Ce que je veux dire, c’est que la prise de pouvoir collective est possible. Mais elle arrive lorsque quelqu'un se jette à l'eau pour être un peu le leader. Et être un leader, c'est juste ouvrir la porte et commencer, c’est faire le premier pas pour que les autres puissent suivre. 

Tu as décrit les mouvements dans lesquels tu es impliquée. Il y a le Centre Eulis où c'est toi qui est la leader. Et il y a les autres mouvements, Ahiman Women et Global Shapers, où tu contribues en tant que mentor ou membre. Est-ce que tu te présentes différemment dans ces différentes positions ? 

Si je prends le cas du Centre Eulis, c'est vraiment mon image qui est mise en avant. Et donc, ça veut dire que je dois m'impliquer encore plus ! Dix fois plus. Pour le moment, le Centre Eulis est vraiment une pièce centrale de ma vie. Les personnes qui le soutiennent sont de passage. Ils peuvent venir m'aider mais ils vont repartir. C'est comme ça que je suis aussi dans les autres mouvements. Ce sont des mouvements où, je suis là, je contribue à l'édifice, mais je peux partir aussi. Pour Ahiman Women par exemple, il y a quatre jeunes femmes qui sont fondatrices. Les autres membres du groupe que nous sommes portons l’association avec elles mais je peux dire à tout moment « j'ai besoin d'un break donc je vais me retirer. » sans que ça ne pose de grands problèmes, je suis remplaçable. Alors qu'au Centre Eulis, pour le moment, je ne suis pas vraiment remplaçable. C'est ça la différence. Mais c'est toujours la même chose que je continue de faire à travers ces différentes organisations. Que ce soit Ahiman, Global Shapers ou le Centre Eulis, c’est toujours le combat pour l'éducation. 

Qu'est-ce que la solidarité signifie pour toi ? Tu as parlé des personnes qui t’ont soutenu grâce aux réseaux sociaux et ta participation dans ces autres mouvements. Comment est-ce que cette solidarité se manifeste dans ta vie ?

La solidarité, pour moi, c'est cette idée d'être utile, de pouvoir apporter quelque chose à l'autre. Ça peut être juste en partageant son projet, en étant active ou en donnant de mon temps par exemple parce que je crois en la vision de la personne. Je reçois de l’aide aussi bien de femmes que d’hommes qui sont venus me soutenir, parce qu'ils/elles croient au projet que j'ai décidé de mettre en place.

Tu as décrit les mouvements dans lesquels tu es impliquée. Il y a le Centre Eulis où c'est toi qui est la leader. Et il y a les autres mouvements, Ahiman Women et Global Shapers, où tu contribues en tant que mentor ou membre. Est-ce que tu te présentes différemment dans ces différentes positions ? 

Si je prends le cas du Centre Eulis, c'est vraiment mon image qui est mise en avant. Et donc, ça veut dire que je dois m'impliquer encore plus ! Dix fois plus. Pour le moment, le Centre Eulis est vraiment une pièce centrale de ma vie. Les personnes qui le soutiennent sont de passage. Ils peuvent venir m'aider mais ils vont repartir. C'est comme ça que je suis aussi dans les autres mouvements. Ce sont des mouvements où, je suis là, je contribue à l'édifice, mais je peux partir aussi. Pour Ahiman Women par exemple, il y a quatre jeunes femmes qui sont fondatrices. Les autres membres du groupe que nous sommes portons l’association avec elles mais je peux dire à tout moment « j'ai besoin d'un break donc je vais me retirer. » sans que ça ne pose de grands problèmes, je suis remplaçable. Alors qu'au Centre Eulis, pour le moment, je ne suis pas vraiment remplaçable. C'est ça la différence. Mais c'est toujours la même chose que je continue de faire à travers ces différentes organisations. Que ce soit Ahiman, Global Shapers ou le Centre Eulis, c’est toujours le combat pour l'éducation. 

Qu'est-ce que la solidarité signifie pour toi ? Tu as parlé des personnes qui t’ont soutenu grâce aux réseaux sociaux et ta participation dans ces autres mouvements. Comment est-ce que cette solidarité se manifeste dans ta vie ?

La solidarité, pour moi, c'est cette idée d'être utile, de pouvoir apporter quelque chose à l'autre. Ça peut être juste en partageant son projet, en étant active ou en donnant de mon temps par exemple parce que je crois en la vision de la personne. Je reçois de l’aide aussi bien de femmes que d’hommes qui sont venus me soutenir, parce qu'ils/elles croient au projet que j'ai décidé de mettre en place. 

Quand tu te retrouves dans un espace de solidarité, comment est-ce que tu ressens ? Est-ce que tu peux me raconter un moment où tu as vraiment ressenti très fortement la solidarité, dans un sens ou dans l'autre ?

Un camarade de l’université m’a contactée. Il est membre d’une ONG qui organise une distribution de kits chaque année et il m’a appelée parce qu’il sait que j’aime les initiatives communautaires. L’ONG souhaitait distribuer 10 000 repas. Il m'a invitée pour aider à emballer les repas. Et puis il m'a dit d'en parler autour de moi. J'ai fait une publication et quelques personnes sont venues m'accompagner. Il y avait beaucoup de monde à l’événement et c’était magnifique. J’ai ressenti une grande joie. C'est un sentiment presque indéfinissable, j’étais juste heureuse. C’est le genre de choses qui me permettent d’être contente de moi-même, de la communauté et de toutes ces personnes que je connais. Et je me suis sentie bénie. C'est tellement banal, mais je me trouverais inutile si je n'aidais pas les autres. 

Quels sont les défis qui freinent ton pouvoir d’aider les autres ? 

C’est difficile de convaincre tout le monde de l'importance de l'éducation et des livres. Quand tu prends des cas de familles défavorisées, certains se disent « on t'a déjà envoyé à l'école, ça s'arrête là. » Donc de pouvoir leur dire « non, il y a plus », est un grand défi. Il y a aussi des défis liés aux moyens financiers. Mais je pense que mes plus grands défis sont liés à moi-même et au syndrome de l’imposteur. 

Aujourd'hui, est-ce qu'il y a quelque chose que tu as vraiment envie de faire, mais que ton syndrome de l'imposteur t’empêche encore de faire 

Non ! Tant que je prends la décision d'essayer des choses, même quand je doute, il n'y a pas vraiment de barrière. Aujourd'hui, je suis tellement contente, parce que je fais exactement ce que j'ai envie de faire. 

C'est fantastique ! Comment est-ce que tu penses que tu as impacté le monde avec ta résistance ? 

Dernièrement, j'ai participé à une rencontre, où je devais parler de ma passion pour la lecture et l'écriture. J'étais avec deux autres femmes aussi, et il y avait 19 femmes en tout qui étaient là pour notre partage. Quand on parlait, il y avait beaucoup d'émotion, il y a eu des larmes. Il y en a qui disaient que nous sommes des chanceuses de pouvoir faire ce qu'on fait, parce qu'elles n'ont peut-être pas eu le soutien ou bien le courage de faire les choses qui les font vibrer comme je dis. Pour moi, mon impact sur le monde, au-delà du fait de dire que j'amène les gens à s'éduquer, c'est le fait qu’en faisant ce que j'aime, je donne la liberté à d'autres personnes de faire pareil. C'est la même impression que j'ai quand je regarde des personnes comme Anne Marie Befoune et Mylène Flicka. Je sais que ces personnes ont leurs propres doutes aussi. Mais elles essaient quand même de rester assez authentiques par rapport à ce en quoi elles croient. J'ai envie d'être moi. Je me dis que grâce à ce que je fais, je peux montrer à d'autres personnes d'être elles-mêmes et de s'affirmer. 

Quand tu penses au monde que tu veux créer, un monde où tu es arrivée à réussir ce que tu veux faire par rapport à l’éducation et à la confiance en soi, il ressemble à quoi ? Et dans quelle mesure tu penses que créer ce monde est faisable dans le temps où tu es en vie ?

Je suis très réaliste. Je sais que je ne vais pas forcément atteindre le grand objectif de ma vie. Peut-être que ce n'est pas moi qui vais l'atteindre, mais au moins je veux poser les bases pour que ça puisse être atteint un jour. Mon objectif, c'est de transformer l'éducation de manière générale. En même temps, je suis consciente qu’il y a pas mal de barrières politiques qui ralentissent le changement. Je sais que c'est un long parcours pour transformer notre système éducatif tel qu'il est en ce moment. Alors mon objectif actuellement en tant que membre de la société civile, c'est d'apporter les livres partout et faire en sorte qu'il y ait des bibliothèques partout en Côte d'Ivoire. Parce que je me dis que si tu donnes un livre à une personne, tu peux l'aider à s'éduquer par elle-même. C'est ça l'avenir pour moi. 

Tchonté, s'il y a une personne qui peut le faire c'est toi. Merci d'avoir partagé ton récit avec nous ! Cliquez ici pour découvrir les autres récits.