« Je prie pour que mes pieds me guident toujours où mon cœur me mène » - Jama Jack (Gambie)

Je ne me rappelle pas quand j’ai commencé à écrire, mais je sais que c’est le mode d’expression avec lequel je suis le plus à l’aise. Lorsque je parle et que les gens saluent mon éloquence, nombre d’entre eux ignorent je préfèrerai écrire plutôt que parler.

Mon parcours avec l’expression de ma voix a pris tellement de tournants au cours de mes trente et quelques années de vie dans ce monde. À chaque tournant, une prise de conscience de ce véritable don d'expression me rappelle que je dois l'accueillir comme une bénédiction. 

Quand j’étais jeune, timide et renfermée dans ma coquille, on me trouvait toujours le nez (et même tout le corps) dans un livre. Mon appétit pour la lecture a été nourri par ma mère qui nous achetait toujours des livres à lire et lourdement investi pour que nous ayons une éducation de qualité. Je me souviens que lorsqu’elle est allée faire ses études de master au Royaume-Uni, elle nous a ramené un gros carton de livres à ma sœur et moi, au lieu des vêtements de soirée chics que nous lui avions demandés durant son année à l’étranger. 

Mon oncle – d’heureuse mémoire – venait également tous les jours et me donnait les journaux qu’il rapportait du travail. Parfois, nous les lisions ensemble et analysions les actualités. Je me souviens également de Sarjo, l’une de nos employées de maison qui m’a dit un jour que je serai kidnappée par les djinns, parce que j’avais pris l’habitude de ramasser des bouts de papier dans les rues pour lire ce qui y était écrit. 

Plus je lisais, plus j’avais envie d’écrire. Plus ce désir grandissait en moi, plus j’avais le courage de prendre la plume et d’exprimer mes pensées, que ce soit dans mes journaux intimes cadenassés ou à travers des poèmes et des nouvelles que j’écrivais pour l’école.

Alors que je grandissais et avais une nouvelle compréhension du monde autour de moi, ma voix a elle aussi pris de l’ampleur. Cela à chaque fois en alignement avec mes valeurs et les choses qui me passionnaient tout en ayant le courage de découvrir de nouveaux horizons.

Cela est passé par ma voix de fillette de 10 ans qui exigeait le respect des droits des enfants et qui défendait le soutien des personnes vivant avec le VIH, puis à celle de l’adolescente de 19 ans qui a trouvé un nom et une communauté pour son féminisme, et maintenant à la jeune femme de 31 ans qui continue d’apprendre et à grandir dans les manières dont cette voix se manifeste à moi-même et au monde.

Il y a quelques temps, j’ai twitté pour exprimer ma gratitude envers le fait que l’écriture représente une grande partie de mon emploi rémunéré, en repensant à la manière dont cela s’inscrit dans l’idée « d’un job de rêve ». Cela dit, j'ai également reconnu le défi que représentent les baisses d'énergie créative lorsque des délais à respecter sont comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête et déclenchent des crises d'angoisse. En comprenant ce sentiment, surtout au cours des deux dernières années (à cause de l’écriture pendant la pandémie), j'ai appris à me créer un espace de grâce et de patience envers moi-même et mon processus créatif. J'accepte, avec chaque nouveau défi, que mes mots viennent à moi quand je suis prête, et me forcent parfois à choisir le support par lequel je vais partager. 

Respecter et avoir confiance en ce processus, m’a permis de dire un grand « OUI » à de nombreux projets qui me paraissaient impossibles ou inaccessibles. J’ai accueilli avec joie la transition de n’écrire que pour un blog à l’écriture pour le grand écran en me plongeant dans le monde de la réalisation de films. Même s’il est parfois fastidieux et effrayant, ce parcours s’est révélé tellement beau qu’il m’arrive souvent de rêver d’un futur où je ne fais que réaliser des films, écrire des livres et explorer pleinement ma créativité.

L’une des constantes de ces ambitions est que je souhaite faire tout ça d’une manière qui soit utile à l’humanité et qui s’aligne avec mon parcours de féministe.

C’est pourquoi même en doutant de moi des millions de fois, j’ai choisi de dire OUI à Eyala et au voyage que nous allons entamer ensemble. Je me souviens d’avoir parlé à une amie de mon rôle au sein d’Eyala en le décrivant comme étant l’intersection même de la trame créative féministe dans laquelle je désire exister pour toujours. Pouvoir le faire, entourée d’une communauté de collègues exceptionnelles est la cerise sur ce gâteau déjà merveilleux. J’espère ne jamais perdre mon enthousiasme à l'approche des réunions d'équipe. Qui a hâte d’avoir des réunions Zoom de 2 heures, hein ?

Je me réveille toujours certains jours, très angoissée en pensant à la confiance qui m’est accordée et qui m’a menée jusqu’ici, et à la pression (que j’exerce en réalité sur moi-même) d'exceller et de donner le meilleur de moi-même. Je sais aussi, désormais, que je ne suis pas obligée de faire ça toute seule, et qu'il y a une grande beauté à partager des parcours et à construire une communauté avec des personnes qui ne considèrent pas mes rêves comme « trop extravagants » ni ne rejettent mes craintes comme si elles étaient inutiles. 

Alors que je continue à lire, écrire et créer, je prie pour que mes pieds me guident toujours où mon cœur me mène, car il m’a toujours trouvé de grands espaces et des expériences épanouissantes.