« Je crée une cohésion entre les endroits où je suis allée et ceux où je vais » - Nana Bruce-Amanquah (Ghana – USA)

Salut tout le monde 😊 je suis ravie de rejoindre Eyala en tant que coordinatrice d’équipe pour le blog. Ce billet sur les transitions n’a pas été facile à écrire, ce qui est drôle quand on sait qu’en seulement 24 ans d’existence, déménager d’un endroit à l’autre est l’une des choses que je connais le mieux.

Voici mon histoire : je suis née à Accra au Ghana (1). Je suis allée à l’école primaire/élémentaire à Harare au Zimbabwe (2) puis j’ai vécu à Bonn en Allemagne (3) pendant toutes mes années collège et le début du lycée. Après ça, ma famille a déménagé à Orlando aux États-Unis (4) où j’ai terminé le lycée. J’ai obtenu ma licence à Baltimore aux États-Unis (5), j’ai commencé mon master à Paris en France (6) avant de rentrer à Orlando (7) lorsque la pandémie est survenue. J’ai décidé de prendre une année sabbatique et de faire une pause dans mes études de master. J’ai fini par retourner à Baltimore (8) où j’ai eu mes premiers jobs en dehors de la fac, et terminé mon année sabbatique. Puis je suis rentrée à Accra (9) pour la première fois depuis des années afin d’y réaliser mon premier stage rémunéré. Je vis actuellement de nouveau à Paris (10), où je termine mon master tout en effectuant ce travail à distance.

Donc en gros : 

C’est très clair n’est-ce pas ? 😅 Ouais, c’est plutôt :

Si vous vous êtes perdu.e.s en essayant de suivre toutes flèches sur la carte, pas de soucis, parce que moi aussi. 😂 

Blague à part, j’ai eu beaucoup de mal et je rencontre toujours des difficultés à relier les étapes de mon parcours. Chaque année scolaire (celle-ci y compris !) a débuté avec des questions du genre « Tu viens d’où ? », « Où est-ce que tu as grandi ? », ou la plus redoutable « C’est où chez toi ? ». Pour empirer les choses, en tant qu’étudiante on te demande « Que comptes-tu faire ensuite ? ». Je me suis toujours senti bien en ayant des réponses claires (pas nécessairement simples) à mes questions. Alors devoir gérer l’incertitude autour de la question de qui je suis et qui je veux être en même temps, ça fait beaucoup. Ajoutons à cela une pandémie pas vraiment finie et les défis de la vie d’adulte, toute cette situation suffit à me donner envie de crier intérieurement tout le la plupart du temps.

Toutefois, un parcours défini n’est pas toujours satisfaisant. Lors de ces dernières années, je me suis habituée à faire semblant et le milieu universitaire a incroyablement facilité les choses. Je vais en cours, je fais de mon mieux pour avoir l’air intelligente, je fais mes devoirs, j’ai de bonnes notes et le cycle se répète sans cesse. Que je comprenne ce que je fais ou que j’y adhère n’est pas la question. Le plus important c’est d’avancer, souvent au détriment d’autres aspects de la vie comme le repos et la réflexion. Ne pas réfléchir permet plus facilement de prendre les choses pour acquis.

Pour être honnête, j’ai traité mon parcours féministe de la même manière. Je suis étudiante à une époque où le féminisme est relativement « cool » ou même « grand public ». C’est donc plutôt facile de trouver des informations, suivre des personnes sur les réseaux sociaux et prêter attention aux débats sans m’arrêter pour me demander comment les théories et les idées se mettent en œuvre concrètement dans ma vie ou ce qu’est le féminisme pour moi et mon avenir s’il n’y avait personne autour à impressionner. Il y a tant de questions et si peu de temps pour les poser. 

Et même si j’avais le temps et l’énergie pour le faire, est-ce que j’ai moi-même trouvé ma propre identité ? Me suis-je suffisamment remise de ma fatigue universitaire pour savoir si je suis plus féministe ou womanist, ou si je suis une féministe noire ou une féministe africaine ou tout bêtement si je suis « suffisamment féministe » parce que je préfère râler avec mes ami.e.s et lire des romans plutôt que de faire quelque qui me terrifie réellement comme sortir manifester ou interpeler les membres de ma propre famille lorsqu’ils disent un truc avec qui je ne suis pas d’accord? 

Les cris intérieurs continuent ! 😅 Toutefois, qu’une autre période de transition se profile avec la fin de mon master en juin, je me demande si les cris intérieurs, ne sont pas des signaux d’angoisse, mais plutôt le signal que mon corps et mon esprit reconnaissent les tensions en moi que je dois prendre le temps concilier.

Le cycle quasi incessant de transitions m’a révélé que je pouvais faire preuve d’ingéniosité, que je savais faire ce que j’avais besoin de faire. Néanmoins, ce sentiment presque toujours présent d’être en mouvement, rend difficile de savoir ce qui se passe réellement lorsque la situation se calme. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve après mes études, mais j’ai une idée de la direction que je souhaite prendre. Pour changer, ce serait intéressant de voir ce qui arrive lorsque je vis dans une seule ville sans déménager pendant un moment. 

Et plus encore, peut-être que je recherche une sérénité mentale et émotionnelle qui me permettrait d’harmoniser, non, de coordonner (HA 😆, vous l’avez ? Parce que je suis la coordinatrice d’équipe ? Je ne regrette rien  😁) mes expériences de vie et l’avenir que je désire me construire. J'espère qu'un jour, lorsque je prendrai du recul pour regarder la carte de tous les pays où j'ai vécu, je me dirai que je suis en train de créer une cohésion entre les endroits où je suis allée et ceux où je vais. 😌