« Si une fille est éveillée, scolarisée, sensibilisée, elle va se défendre elle-même » - Dr. Aissa Bouwaye Ado (Niger) – 4/4

Nous finissons notre conversation avec Dr. Aissa Bouwaye Ado, originaire du Niger et fonctionnaire depuis une décennie.

Elle nous a déjà parlé de son désir d’aller à l’école quand elle était petite fille (Partie 1), sa lutte contre un mariage forcé à la fin de son adolescence (Partie 2), et le développement de sa résistance (Partie 3). Dans cette dernière partie, nous parlons de son impact sur les jeunes filles et ses espoirs pour elles.

Dr. Aissa a été interviewée par Françoise Moudouthe à la fin de 2019, dans le cadre d'un projet mondial documentant la résistance des filles. La conversation a été éditée dans cette interview en quatre parties par Nana Bruce-Amanquah et Chanceline Mevowanou pour notre série #GirlsResistWA. Vous pouvez trouver plus d'informations sur la série ici.

Avertissement: cette conversation contient des mentions de violence et d’abus qui pourraient choquer celles qui nous lisent. Veuillez prendre un moment pour décider si vous souhaitez continuer la lecture. Si vous continuez, nous vous encourageons à vous concentrer sur votre bien-être et d’arrêter la lecture à tout moment, selon vos besoins.

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Je voulais aborder la question de la solidarité, surtout au moment où vous étiez une jeune fille qui résistait, mais même jusqu'à aujourd'hui. Qu'est-ce que la solidarité a représenté dans votre combat ? 

Dans le combat, au lieu que ça soit des gens qui viennent me soutenir, je crois que j'ai surtout entraîné les gens. Durant mon adolescence, même dans la famille, on dit de ne pas me suivre. Mais j'ai eu un groupe depuis le lycée. Nous sommes vers 17 copines et on nous appelait même entre guillemets « La clique ». Nous avions les mêmes options et nous avons défendu l’une et l’autre, quelquefois nous avons contesté l’une et l’autre. C’est peut-être ça la solidarité. 

Comment est-ce vous accompagnez actuellement les jeunes filles et les jeunes femmes qui sont au début de leur résistance ? 

Aujourd’hui, je parle beaucoup avec les jeunes filles, je parle beaucoup avec les adolescentes en général. Présentement dans mon WhatsApp, elles sont là. J’ai recensé les jeunes filles de toutes mes copines là et je parle avec elles. Mariées, je les conseille. Celles qui ne sont pas mariées, je les conseille aussi. Je suis comme ça. Même si je ne te connais pas, n’importe quand je te rencontre, que tu sois une adolescente, ou bien tu as deux enfants, ou bien tu as commencé à avoir de rapports sexuels, je me mets à t'expliquer. 

Qu'est-ce que votre propre résistance a pu changer, que ce soit dans votre famille ou dans votre entourage ou même dans le pays ? Votre propre résistance a eu quel impact ? 

Dans ma famille, il n'y a plus de mariage forcé ou mariage non consensuel. Il n'y en a plus et la famille disait toujours, depuis que Aissa leur a donné l'exemple. Ça, c'est déjà une chose. 

Au niveau politique, je suis et j'ai longtemps été engagée au gouvernement, surtout au niveau parlementaire. Je suis membre du bureau politique national du président actuel qui est au pouvoir. Il faut ça ! Parfois avec la politique, tu arrives aussi à passer le message concernant les choses pour les femmes. Les gens savent que quand je suis dans une réunion, je défends toujours la cause de la femme. Il ne faut même pas essayer d'attaquer des choses comme ça, je vais les défendre. Et si je trouve d'autres qui défendent ça, c’est bon. Si je ne trouve pas, je sensibilise les gens. 

Quel est le changement que vous voulez faire dans le monde, pour les filles en particulier ?

Le changement…ce n’est pas facile à cause du contexte. Il faut lutter contre cette injustice de mariages précoces, qui causent des fistules et tout. Quand on marie une fille à 14 ans, 15 ans et après, elle a une fistule, le mari l'abandonne. Qu'est-ce qu'elle devient ? C'est injuste.

Tout ça, ça tourne autour de la scolarisation de la jeune fille. C'est elle qu'il faut sensibiliser. Quand on me dit qu'il faut sensibiliser les parents pour éviter le mariage précoce, c’est difficile qu'ils comprennent. Et le mariage précoce continue toujours. Mais une fille, quand elle est sensibilisée, quand on fait action sur elle-même, la planification familiale, ça ne vaut même pas le coup de lui en parler après, le mariage précoce, ça ne vaut même pas le coup. Si elle est éveillée, elle est scolarisée, sensibilisée et tout elle-même, elle va se défendre elle-même.

Tout à fait, merci beaucoup de nous avoir raconté votre récit, Dr. Aissa ! 

Cette conversation se déroule dans le cadre d’une série de conversations avec des femmes originaires de l’Afrique de l’Ouest sur le thème de la résistance. Cliquez ici pour voir toutes les conversations.