Afrifem en Action : Salematou Baldé et Aude N’depo racontent le festival Mes Menstrues Libres en Côte d’Ivoire

Le 28 mai de chaque année,  la journée mondiale de l'hygiène menstruelle est célébrée. Dans le cadre de cette journée, diverses activités sont organisées. Dans cet entretien, Salematou Baldé et Aude N’depo nous partagent leur expérience au festival Mes Menstrues Libres, premier festival axé sur la dignité menstruelle en Afrique de l'Ouest francophone, qui se déroule les 25 et 26 mai 2024 à Abidjan.

Découvrez la manière dont des féministes africaines ont créé cet espace de discussion, de sensibilisation et de plaidoyer  visant à combattre la précarité menstruelle et à déconstruire les préjugés sur les menstrues.

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Salut Salematou et Aude. Merci de vous présenter.

Salematou : Je m'appelle Salematou BALDE. Je suis une militante féministe, présidente de l'ONG Actuelles et co-organisatrice du premier festival en Afrique de l'Ouest, Mes Menstrues Libres. L'ONG Actuelles s'engage à promouvoir le respect des droits en matière de santé sexuelle et reproductive des filles et des femmes, ainsi que des personnes ayant des besoins spécifiques. Notre activité se concentre sur la lutte contre les actes de violence sexuelle et sexiste. Nous nous concentrons également sur l'acquisition de connaissances, le développement de compétences, la formation, ainsi que sur le plaidoyer, qui est un aspect stratégique au sein de l'organisation. Le plaidoyer, en particulier en faveur de l'adoption d'une loi sur la santé de la reproduction en Côte d’ivoire.

Aude : Alors moi je suis Aude N'depo, coordinatrice de projet pour l’organisation Gouttes Rouges qui est co-organisatrice du festival Mes Menstrues Libres. Gouttes Rouges est une organisation qui travaille pour la dignité menstruelle. On lutte contre l’illettrisme et la précarité menstruelle.

Pouvez-vous me parler des origines du festival Mes Menstrues Libres ?

Aude : Le festival a été initié par deux grandes féministes africaines qui luttent contre la précarité menstruelle, Amandine Yao qui est la présidente de l’ONG Gouttes Rouges et Salematou ici présente. 

Salematou : Cela te fera sourire. Depuis des années, Amandine et moi sommes engagées dans la recherche sur la précarité menstruelle en Côte d'Ivoire. Notre travail consiste à rendre les protections menstruelles accessibles aux jeunes filles, à restaurer leur dignité et à leur faire comprendre que les règles sont normales. Un jour, à l'aéroport, nous nous rendions à Niamey pour assister au premier Agora féministe. Je dis à Amandine : "Attends, nous partons à Niamey, c'est vrai, nous allons rencontrer d'autres féministes et ensuite nous reviendrons en Côte d'Ivoire. Ça ne te dirait pas que cette année, nous organisions un truc spécial pour célébrer la Journée mondiale de l'hygiène menstruelle ?" Elle répond "oui, c'est une bonne idée". Ensuite, j’ai dit : "et si nous organisions un festival ?" Elle répond, "c'est génial, on en discute quand on rentre". L'idée est apparue de cette manière, à l'aéroport pendant que nous attendions l'embarquement.

Hahaha, c’est super :)

Salematou : L'idée a commencé à se développer. Quelles activités peuvent être proposées, qui doit être intégré, de quoi faut-il parler, comment obtenir des financements ? Après avoir quitté l'Agora, nous avons poursuivi notre processus de réflexion. Puis, il était nécessaire de déterminer un nom. 

Il y avait plusieurs propositions de noms. Et Amandine me demande : et si on disait Menstrues Libres ? Cela s'accordait parfaitement avec l’idée que nous avions de l’initiative. Et voilà comment commence cette belle aventure. Au départ, nous étions deux mais avec des personnes extérieures à nos organisations pour la réflexion. Ensuite, nous avons convenu qu'il était nécessaire de rassembler les organisations qui œuvrent dans la lutte contre la précarité menstruelle, que ce soit dans les prisons, dans les marchés, dans les communautés, dans les écoles. Ainsi, nous avons réuni tout le monde et avons réussi à organiser la première édition avec des ressources peu importantes, mais grâce à l'engagement et à la dynamique de nos membres. Et maintenant, la seconde édition les 25 et 26 mai 2024 à Abidjan.

Aude : C’était une belle idée d’organiser le festival. Déjà, nous sommes deux organisations. Nous travaillons sur la question, on connaît les réalités que rencontrent les filles et les femmes. On sait à quel point le corps de la femme, il ne faut pas en parler parce que c’est sacré. Créer un festival où on vient libérer la parole était nécessaire.

Un tel festival était nécessaire en effet. Les tabous autour des menstrues sont pesants. Il y a beaucoup de stigmatisation et de stéréotypes. Vous vous rappelez quand vous avez eu vos premières règles ?

Aude : Je me souviens, j’étais en classe de quatrième quand j’ai eu mes premières règles, et j’étais très gênée. Je ne voulais pas du tout en parler. D’ailleurs, je n’en ai pas parlé. Je suis arrivée à la maison. Comme j’avais beaucoup de grandes sœurs et tout, je les voyais faire. Donc, je me suis débrouillée avec mes propres moyens. Je n’avais pas de serviettes à disposition. Donc, j’ai essayé de trouver un morceau de pagne que j’ai plié et que j’ai mis. Et arrivé un moment, c’était tellement mouillé que ma grande sœur avait remarqué et elle m’a dit. Elle m’a demandé : depuis quand tu as tes règles ? Elle m’a appris, elle m’a expliqué un peu comment ça se passe, ce que je devais faire et tout. Je me suis dit, si j’avais été éduquée sur la question, les choses se seraient passées autrement. Après, quand j’ai commencé à côtoyer d’autres jeunes filles, elles me disaient qu’à l’école, elles ne pouvaient pas parler de leur menstruation parce que leurs voisins, qui sont des garçons, se moquent d’elles et tout, que j’ai réalisé en fait à quel point c’était tabou et stigmatisé. Ce sont les raisons pour lesquelles je milite pour cette cause.

Quels sont les objectifs du festival ?

Salematou : Lorsque nous avons organisé le festival Mes Menstrues Libres, notre objectif principal était de briser les tabous, de déconstruire et ensuite de favoriser le partage d'expériences. Prenons l'exemple des jeunes filles qui croient que lorsqu'elles commencent à avoir leurs règles, si un garçon les touche, elles tombent enceintes. C'est cette notion qui circule depuis longtemps. Il est essentiel de résoudre l'omerta sur cette question et de transmettre les informations pertinentes. Selon nous, il est primordial de proposer un lieu de discussion, de sensibilisation et de réseautage. Il ne faut pas négliger les échanges intergénérationnels afin qu'elles se rendent compte qu'elles ne sont pas les seules à faire face à ce phénomène, qu'il s'agit d'un phénomène naturel et que nos mamans, nos grand-mères et d’autres femmes sont passées et certaines continuent de vivre ce phénomène naturel. Par la suite, notre objectif est de mettre en place un cadre de réflexion sur les mesures à prendre pour lutter contre la précarité menstruelle en Côte d'Ivoire.

Je suppose qu’avec l’État et d’autres parties prenantes, vous aviez aussi des objectifs en initiant le festival. 

Salematou : Oui. Comment peut-on les amener, au niveau de l'État, à voir la question de la précarité menstruelle comme un problème social important ? Comment peut-on faire face à tout cela ? Afin de répondre à toutes ces questions, nous avions besoin d'un grand nombre de personnes et d'un environnement propice à la discussion. 

Il existe des traces de serviettes en Côte d'Ivoire, ainsi que des traces de coupes menstruelles. Actuellement, le tampon n'est pas fabriqué, mais il est commercialisé ici. Par conséquent, comment les rassembler dans le même espace avec les professionnels de la santé ? Car fréquemment, la question de la composition des protections hygiéniques se pose. Comment peut-on les rassembler, susciter des débats et trouver des solutions ? Voilà nos objectifs au départ de ce festival.

Cette année, c'est la deuxième édition du festival. Comment s'est passée la première édition ? Comment les gens l'ont-elle accueillie ? 

Salematou : Le premier jour, dès que nous avons commencé à en parler, les gens disaient : "Attendez, un festival sur les menstrues, les règles... un festival ? Les deux ne collent pas. Quand on va à un festival, c'est pour danser, c'est pour s'amuser. Mais vous ajoutez menstrues à côté. Non, non, non, non, non. Il va falloir que vous nous expliquiez l'idée qui est derrière."

C'est vrai ! J'ai eu la même réaction aussi. Mais plutôt dans le sens de : "Oh, voilà un espace où on peut parler de choses sérieuses avec joie." J'adore ! Personnellement, je suis fatiguée des symposiums, des espaces lourds. 

Salematou : Et c'était précisément cela, en réalité. Nous avons convenu que, fréquemment, nous organisons des panels, des webinaires, des événements de discussion. Cependant, lorsque l'on souhaite rassembler les jeunes aujourd'hui et obtenir une majorité, il est nécessaire de les impliquer, de faire ces activités dans les espaces où ils se trouvent. Et les festivals, même le simple nom, suscite l'intérêt. La première édition a eu lieu à l'Agora de Koumassi, qui reste un lieu de rassemblement et de vie commune. Il existe de nombreuses écoles à proximité, des quartiers et des jeunes. Les jeunes sont arrivés et manifestaient un vif intérêt pour les activités. Il y avait des activités ponctuelles et des activités fixes.

Par exemple, nous avions l'atelier de peinture pour lequel nous n'avions pas pu accueillir un grand nombre de participants, la participation était limitée. Beaucoup de jeunes n’ont pas pu prendre part. Nous avons décidé de nous rattraper pour la deuxième édition.

Qu'est-ce qui t’a marqué personnellement lors de cette première édition ? 

Salematou : Ce qui m'a le plus marqué, lors de cette édition, c'est l'arrivée de l'adjoint au maire de Koumassi, à qui nous avions envoyé un courrier. Il est arrivé et a visité les stands. A la fin du festival, nous avons déposé le rapport et durant nos discussions, nous avons décidé de revenir dans la commune pour la deuxième édition. C'est un bon début de collaboration et d’engagement de la part des autorités.

Et toi Aude ?

Aude : Ce qui m’a personnellement marqué, c’était l’engagement des jeunes filles que j’ai vues. On avait des jeunes filles de 9 ans, 10 ans, 11 ans qui étaient vraiment impliquées, qui écoutaient les panels, qui se retrouvaient à poser des questions. Et surtout, on avait une salle spéciale qu’on a appelée « la salle des expériences » où chacune devait venir raconter son histoire, une anecdote avec ses menstruations. Il y avait tellement d’histoires tellement choquantes et surprenantes que je me suis dit, franchement, c’était une très belle idée de faire ce festival-là et on a vraiment libéré la parole.

C’est quoi la salle des expériences ?

Salematou : Il s'agit d'une salle vide où l'on dispose d'une table centrale avec des papiers, des stylos, ainsi que des cordes à linge déjà placées en haut, puis des pinces. Ainsi, lorsque tu arrives, tu prends un papier, de toutes les teintes, la couleur qui te convient. Tu choisis la couleur de stylo qui te convient le mieux, dans laquelle tu te sens le mieux. Tu nous fais part de ton expérience avec les menstruations de manière anonyme. De manière anonyme. Et une fois que tu as terminé, tu prends ta pince et tu la mets sur l'une des cordes. La proposition consiste à ce que les filles qui arrivent ensuite dans la salle puissent regarder, lire les expériences et se dire : tiens, je ne suis pas la seule à vivre cette expérience. Il y a déjà cette autre personne qui a vécu cette expérience. C'est un peu ça la salle d'expérience.

C’est magnifique ! 

Salematou : Oui. C’est une trouvaille, une pépite qu'Amandine nous a dégoté. C’est mon coup de cœur dans ce festival, parce que chaque année, les expériences qu'on recueille dans cette salle, c'est tout simplement magnifique.

Aude : L’autre chose qui m’a marqué aussi, c’est l’impact du festival. L’un des projets sur lesquels je travaille, c’est le projet Club Rouge. Via ces clubs, on organise une série d’ateliers dans les établissements où je discute avec des jeunes filles particulièrement. Ces jeunes filles-là ont été invitées à la première édition. Et ensuite, quand je suis retournée dans ces établissements, leurs copines venaient me dire "Ah, mais nous, on n’a pas été invitées. Voici ce qu’on a eu comme retour de nos copines à propos du festival. Vraiment, on aimerait participer. On a beaucoup de choses à dire. Déjà, nous, dans notre établissement, on n’a pas de toilettes. Donc, on ne peut même pas se changer quand on a nos menstruations." Donc il y a eu un retour parce que ces jeunes filles qui ont participé sont revenues partager ce qu’elles ont reçu avec leurs copines, ce qui a aussi motivé leurs copines à parler également.

On parle souvent des menstrues, mais c'est très rare qu'on entend parler des menstrues d'un point de vue féministe. Quelle est la contribution du festival en ce sens ? 

Salematou : Déjà, le festival est organisé par deux organisations féministes. Le cadre est bien posé. On ne peut pas dissocier les deux, les menstruations et le féminisme. On adresse une question qui concerne les femmes et les filles. Nous ne pouvons pas laisser les autres parler pour nous. Nous ne pouvons plus continuer à laisser les filles sans la bonne information. Il faut qu’on explique aux filles ce que c’est, renforcer leur confiance, leur estime en elles-mêmes et leur dignité. Nous devons déconstruire les mythes ou toutes ces idées reçues que nous impose la société. Vraiment être dans quelque chose et construire cela. Et ce festival, c'est aussi pour créer, pour impulser l'esprit féministe aux filles.

Tu parlais de dignité. Je vois de plus en plus “dignité menstruelle” à la place de “hygiène menstruelle". Pourquoi ?

Aude : Depuis toujours, on a tendance à dire « hygiène menstruelle ». En parlant d’hygiène menstruelle, on est en train d’apporter une vision hygiéniste aux menstruations. C’est comme accepter que les menstruations sont sales. C’est comme accepter que les menstruations, c’est quelque chose qu’il faut nettoyer, ce n’est pas propre. On parle de dignité menstruelle parce que c’est quelque chose de normal, de naturel. Dans certaines communautés, on voit que les règles sont célébrées. Nous ne voulons pas renforcer les idées reçues sur les menstruations. Pour nous, les menstruations, ce n’est pas sale. C’est quelque chose de complètement naturel. C’est un renouvellement du cycle. Voilà pourquoi on parle de dignité menstruelle.

En effet, le terme "hygiène menstruelle" sous-entend que les menstruations sont intrinsèquement sales ou honteuses, ce qui contribue à la stigmatisation. Utiliser "dignité menstruelle" aide à combattre ces tabous et à mettre en avant le fait qu'il s'agit aussi de garantir que toutes les personnes menstruées aient accès à l'éducation, aux produits menstruels et aux installations sanitaires sans discrimination. Est-ce que le festival offre aussi un espace ou un cadre pour parler de sexualité en général ?

Salematou : Oui. Tu connais les ateliers du Minou Libre ? On va animer un atelier Minou Libre pendant le festival. Et puis en même temps, il y aura des cercles de paroles et des panels sur différentes thématiques liées à la santé sexuelle et reproductif. 

Super. Quelles sont les activités prévues pour cette deuxième édition ? 

Salematou : D’abord, cette année, ce sera au foyer des jeunes de Koumassi. C'est la mairie qui nous a proposé cet espace-là. Pour les activités fixes, on a les ateliers, la salle des expériences, le couloir des expositions, où les partenaires, les organisations qui travaillent dans la santé sexuelle et reproductive viennent exposer et discuter avec les festivaliers. Il y aura cette année des ateliers couture, peinture et sculpture. On a également un shop avec des tasses, des mugs, des tote bags qu'on va vendre. L'idée derrière, c'est de pouvoir collecter des fonds et rénover les toilettes dans les établissements, les collèges et les lycées surtout, pour permettre aux jeunes filles d'avoir des espaces safe en toute sécurité et en toute dignité, que ce ne soient pas des toilettes qui soient mixtes. Et puis, on a la salle "Nous". C’est une salle de repos, de réseautage. On sait que quand on vient à un festival du matin au soir, parfois, on est fatigué. On peut avoir un coup de mou. Donc, vraiment, on a aménagé une salle où tu peux aller te reposer, networker, discuter, mais vraiment de façon très intime et très safe. Ça, ce sont les activités fixes.

Maintenant, sur les activités temporaires, il y a les panels, les discussions avec les experts. Il y a des cercles de parole avec un petit groupe très intime et puis, évidemment, on a notre soirée de présentation de la production des initiatives, des organisations qu'on a appelées "Period party". Parce que quand on dit festival, on dit quand même musique et danse. On va s'amuser, on va danser.

C’est très intéressant.

Aude : Oui. Les 25 et 26 mai au festival Mes Menstrues Libres, ce sera top. On va libérer la parole. Le premier jour, c’est ouvert à tout le monde et on aura des panels comme l’an dernier. On aura des activités qui visent à démystifier les menstruations. Ensuite les ateliers entre femmes, partager nos expériences, en tout cas, libérer la parole. On va parler des initiatives qui sont mises en place dans le contexte de lutte contre la précarité menstruelle. On va se partager leurs bonnes pratiques, s’en imprégner, s’en inspirer. 

Salematou : L’autre chose intéressante, cette année, c'est qu'on aura une charte féministe. Cette charte-là va nous aider à pouvoir gérer, ou si tu veux, cadrer tout ce qui va se faire au niveau du festival, que ce soit les propos, les gestes, les commentaires. Tout doit se passer dans un esprit féministe. La charte sera présentée aux participantes, à tous nos partenaires. Nous avons aussi avancé dans la construction scientifique du festival. Qu’est-ce qu’on peut faire ? De quoi on peut parler ? Nous avons pensé à nos sœurs féministes des autres pays pour nous apporter leur lumière, co-créer. Cela montre aussi tout ce à quoi on réfléchit pour consolider le festival.

Quels sont les défis que vous avez rencontrés dans l’organisation du festival ?

Salematou : Je pense que l'un des gros défis quand on organise un festival de cette envergure, c'est d'abord financier. Les partenaires réagissent, on va dire, un peu tardivement. La première édition, ça a été très difficile parce que certains partenaires ont réagi dans la semaine du festival. Et pour nous, quand tu sais que tu dois faire des productions, que tu dois lancer des commandes, c'est un peu complexe. Ensuite, c'est le temps. Parce que le temps joue contre nous. Parfois, on a l'impression qu'il nous reste assez de temps. Et après, on se rend compte qu'il ne reste plus beaucoup. Là, on sait que le festival, c'est la semaine prochaine. Et je te dis, c'est full.

Est-ce que vous avez d’autres projets avec le festival ? Comme d'étendre le festival à d'autres pays, par exemple ?

Salematou : Oui, on a l'idée. Par exemple, avec Amandine, on est en train de réfléchir en ce moment. Là, on a fait la première et la deuxième édition en Côte d'Ivoire. La troisième édition, si on a des partenaires qui nous suivent, pourquoi ne pas le faire dans un autre pays ? Je garde la surprise. 

Quel est le plaidoyer du festival à l’endroit des décideurs ? 

Salematou : Nos priorités en matière de Droits et Santé Sexuels et Reproductifs (DSSR) sont nombreuses. Nous utilisons le cadre de ce festival pour pousser ces plaidoyers. On parle de l’impératif d'avoir un cadre légal dans lequel les filles et les femmes sont aptes à jouir de leurs libertés et de leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Parce que cela constitue un frein en Côte d'Ivoire. N'ayant pas de cadre juridique légal, on va dire que tout est biaisé. On a ce vide juridique-là. La deuxième priorité, c'est l'information sur la santé sexuelle et reproductive. Les jeunes n'ont pas très souvent la bonne information. Ils ont l'information, mais pas la bonne information en ce qui concerne leur santé sexuelle et reproductive. Donc pour nous, c'est aussi une priorité que les jeunes soient informés, qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur leur santé sexuelle et reproductive. Et l'autre priorité, c'est en lien avec le premier, c'est d'intensifier et d'engager les autorités, les gouvernants à prendre en compte la santé sexuelle et reproductive dans leur agenda et se dire que c'est vraiment une priorité, c'est une question de santé publique.

Aude : Nous avons invité des décideurs au festival parce qu’on veut des actions concrètes dans la lutte contre la précarité menstruelle. Nous montrerons un aperçu de ce qui est fait lors du festival tout en exigeant plus d’actions. 

Il y a une question qu'on pose souvent aux personnes qu'on reçoit pour les conversations à Eyala. Quelle est votre devise féministe ? Une pensée, une phrase, une citation, quelque chose qui vous anime en tant que féministe.

Salematou : Alors, je pense que chez moi, ma devise, elle change parce que j'en ai plusieurs. Déjà, je me dis que toutes les filles et les femmes doivent avoir accès à leurs droits en santé sexuelle et reproductive. Moi, je rêve d'un monde où toutes les filles et les femmes jouissent de leurs droits en santé sexuelle et reproductive, ça c'est la première chose. Autre devise, amour parce qu’il faut de l'amour, de la sororité et de l'intersectionnalité. Il faut qu'on arrive à adresser ces trois points ensemble. On est dans un monde, dans un système qui évolue certes, mais est-ce que le monde évolue selon notre conviction ? Est-ce que ce monde évolue selon ce que nous, on veut ? Nous devons faire mouvement ensemble. Et chez moi, c'est la sororité, c'est l'écoute, c'est l'empathie, le respect, la bienveillance, l'ouverture d'esprit, et tout est englobé dans l'amour. L'amour nous rend fortes. L'amour nous rend puissantes et épanouies.

Exactement. Nous avons trop besoin d'amour et de sororité dans nos mouvements en ce moment avec tout ce qui se passe dans le monde. Je ne pense pas que nos chances d’y arriver seront grandes sans amour et bienveillance dans nos mouvements.

Salematou : C'est ça et c'est à nous de le construire. 

Et toi Aude ? 

Aude : En tant que féministe, pour moi  c’est mon corps, mon choix. Moi, je me dis, en tant que femme, on doit être libre d’avoir nos propres choix concernant notre corps, parce que c’est avant tout notre corps. On est dans l’objectif de lever ce système qui impose aux femmes ce que la société veut. Donc, moi, mon credo en tant que féministe, c’est mon corps, mon choix.

C’est ce que je souhaite de toutes mes forces aux femmes : que nous puissions nous appartenir, et entièrement.

Merci à vous. Ce fut un plaisir. Bon vent au festival Mes Menstrues Libres. 

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