"S’ouvrir aux autres n’est pas un signe de vulnérabilité" – Rachel-Diane Cusiac-Barr (3e partie)
/Voici la troisième partie de ma conversation avec Rachel-Diane Cusiac-Barr une créatrice de mode et féministe camerounaise. Juste avant, nous avions parlé de sa vision du féminisme (1ère partie) et du message positif qu’elle inscrit dans chaque collection de sa marque Niango (2e partie).
Tout à l’heure as parlé de sororité. C’est un mot qu’on rencontre de plus en plus, le plus souvent chez les militantes féministes. En tant que non-militante, peux-tu m’expliquer ta vision de la sororité ?
La première chose qui me vient à l’esprit, c’est qu’il faut éviter de se juger entre nous. Mes parents ont eu cinq filles, et ma mère a vraiment tenu à ce qu’on s’entende bien. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de conflits ou de petites jalousies, mais elle nous a appris à remplacer tout de suite une pensée négative par quelque chose de positif. Avec mes sœurs on se soutient vraiment. On a des vies assez différentes, mais on essaye de ne pas se juger. Même si on ne pense pas pareil, ça ne sert à rien de dire quelque chose si ça ne va pas aider l’autre personne à devenir meilleure ou à surpasser une difficulté.
J’essaie d’appliquer ces principes en dehors du cadre familial. La vie n’est pas juste du blanc et du noir. Les gens doivent faire des choix qui dans d’autres circonstances auraient été différents. Je suis plus pour nous soutenir mutuellement, avoir des discussions comme celle qu’on a maintenant. Quand tu vois une femme en difficulté, essaie plutôt de l’élever. On n’est pas obligées d’être en conflit.
“Quand tu vois une femme en difficulté, essaie plutôt de l’élever.”
Dans le cadre professionnel c’est la même chose. A Dakar, ma boutique Niango n’était pas qu’un espace de vente, j’organisais des sessions de discussion pour que les femmes puissent se mettre ensemble et parler des sujets qui les intéressent.
Tu écris beaucoup sur ton blog Un Instant de Moi, et tu contribues à l’excellent media Les Maters qui publie des témoignages de femmes sur leur rapport à la maternité. Tu aurais pu bloguer sur la mode, mais tu as choisi de t’exprimer de façon très personnelle sur ta vie de femme. Qu'est-ce que ça t’apporte d’explorer cette partie de ton identité par l'écriture ?
L'écriture m’apporte tellement ! Quand je suis troublée, je m’assieds et j’écris ; ça me permet de mettre les choses en perspective et d’y voir plus clair. Et une fois que j’ai écrit, parfois je me dis : j’aurais aimé lire un texte comme celui-ci à un certain moment de ma vie, et peut-être qu’il y a quelqu’un que ça pourrait intéresser.
Mon écriture, c’est une façon de dire qu’en fait il n’y a pas une seule façon d’être femme. On peut faire des erreurs, apprendre de ces erreurs, partager nos expériences et se soutenir les unes les autres. J’essaye d’ouvrir le dialogue, un peu comme toi tu fais avec ton blog, parce que si on discute davantage on se comprend mieux et on se juge moins.
“Il n’y a pas une seule façon d’être femme”
En fait ça me ramène à la question de sororité dont on a parlé plus tôt. Les femmes devraient davantage communiquer entre elles, partager leurs expériences. S’ouvrir aux autres n’est pas un signe de vulnérabilité. Il ne s’agit pas non plus de se plaindre. Les femmes qui m’inspirent le plus ce sont celles qui n’ont pas peur de partager leur histoire de vie pour que les autres puissent s’en inspirer aussi.
Par exemple ? Tu peux me parler d’une femme qui t’inspire ?
Toi-même tu sais déjà ce que je vais dire ! (Rires) Michelle Obama est mon modèle. Je pourrais en parler toute la journée. C’est une intellectuelle et une mère formidable : je crois qu’elle a réussi à trouver le bon équilibre entre sa vie de famille et sa carrière. Cela m’a beaucoup aidée de savoir qu’une femme de la stature de Michelle Obama elle aussi, à un moment de sa vie, pris du recul par rapport à sa carrière pour se consacrer à ses enfants.
Michelle Obama a énormément de compassion et elle réussit à fédérer autour d’elle tellement de femmes différentes et réussir à les inspirer malgré tout. J’essaye comme elle de ne pas juger les autres femmes mais plutôt d’inspirer autant que l’on m’inspire.
Pour moi c’est le modèle par excellence, à part ma mère bien sûr qui le devient de plus en plus… Plus que je ne l’aurais pensé !
Et maintenant, la question rituelle d’eyala : Quelle est ta devise féministe ?
C’est plus une devise de vie qu’une devise féministe : « Reste toi fidèle à toi même, et le monde s’ajustera ».
Merci à Rachel-Diane de m’avoir parlé de son parcours de femme et de féministe. Qu’est ce que ça vous inspire ? Quel est votre rapport au féminisme ? Dites-nous tout dans un commentaire ou sur Twitter et Facebook @EyalaBlog.