« C'est juste après le bac que mon esprit de féministe s'est réveillé » - Riane-Paule Katoua (Côte d’Ivoire) 1/2

Riane-Paule Katoua, Marie-Bénédicte Kouadio et Mariam Kabore sont des jeunes féministes ivoiriennes engagées qui militent à leur façon pour les droits des femmes. Marie-Bénédicte Kouadio est juriste de formation et militante féministe au sein de la Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes. Riane-Paule Katoua est également juriste de formation, bibliothécaire à la bibliothèque 1949, la bibliothèque des écritures féminines d'Afrique et du monde noir et host du podcast « Meet'Her Podcast ». Mariam Kabore est une jeune cineaste, passionnée de photographie, amoureuse d’art et de decouverte.

Rencontrées à Abidjan, à Yopougon, lors d’une rencontre organisée par Eyala avec des féministes à la bibliothèque 1949, elles ont partagé une partie de leurs parcours féministes avec nous. Dans cette conversation, Chanceline Mevowanou échange avec elles sur leurs prises de conscience, leur rencontre avec le féminisme et la manière dont elles vivent les valeurs et la lutte féministes personnellement. 

Cette conversation est en deux parties. Dans la première partie, elles parlent de leurs questionnements, des réalités qui ont suscité ces questionnements chez elles et de la manière dont elles vivent leurs convictions féministes. Dans la deuxième partie, elles abordent leurs rapports à la lecture, l’éducation féministe, l’importance de documenter les histoires des femmes africaines et leurs rêves en tant que féministes.

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Salut Riane, Bénédicte et Mariam. J’ai été très ravie de vous rencontrer à la bibliothèque 1949. Ce fut un merveilleux moment de connexion, avec des échanges riches. Merci d’avoir accepté de partager un peu de votre voyage féministe avec Eyala. Pouvez-vous vous présenter ?

Marie-Bénédicte : Moi, c'est Marie-Bénédicte Kouadio. Je suis juriste de formation et activiste féministe. Je milite au sein de la Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes, plus précisément au département juridique. À côté de ça, j'aime beaucoup la lecture, la lecture en tout genre, la littérature féministe et la littérature en général. C'est vraiment mon passe-temps favori. J'ai un blog qui me permet de partager mes fiches de lecture avec les personnes qui me suivent.

Mariam : Mariam Kabore, jeune cinéaste, encore en formation. Je viens de valider ma licence. Yes!

Riane-Paule : Alors, je suis Riane-Paule KATOUA. J'ai 24 ans. J'ai fait des études de droit. Je travaille en tant que bibliothécaire à la bibliothèque 1949. J'adore la lecture aussi. J'adore lire. J'adore découvrir des contenus, c'est-à-dire des films, des livres, des autrices/auteurs. J'adore découvrir, j'adore apprendre.

Vous êtes toutes passionnées par les œuvres de l’esprit, les livres. On s’est rencontrées dans une bibliothèque. L’histoire est cohérente hahaha! Riane, d'où te vient cette passion pour la lecture, les ouvrages et tout?

Riane-Paule : De loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé la lecture, en fait. Depuis toute petite. Je me souviens, au primaire, on récompensait les élèves à la fin de chaque année avec des livres. À chaque fois, j'avais des livres et ma mère aussi m'en achetait. Donc, je découvrais les histoires. C'étaient plus des histoires de pharaons, ce genre de choses. Mon amour pour la lecture et pour l'histoire aussi a commencé de là. Arrivée au collège, ça a commencé à m'énerver parce que les livres qu'on nous proposait m'ennuyaient. Donc, j'ai arrêté de lire au collège. C'est juste après le bac que mon esprit de féministe s'est réveillé. Je me suis dit qu’il faut que je lise, il faut que je comprenne plus de quoi il s'agit. Donc, j'ai recommencé à lire.

C’est vrai que les livres au programme dans les collèges n'étaient pas toujours les plus intéressants.

Riane-Paule : Pas du tout. En tout cas, je ne me retrouvais pas. Donc, j'ai passé tous ces moments-là en pensant que je n'aimais plus lire. Et c'est après le bac que je me suis dit, bon, il faut que je commence à me poser des questions. Quels sont les livres que j'aimerais lire ? Qu'est-ce que j'aimerais apprendre ? Et c'est là que j'ai recommencé à lire, etc. Donc, il y a des livres féministes, il y a des livres historiques, il y a différents types de livres, mais tout tourne autour de mes intérêts et de ce que j'aimerais apprendre et découvrir.

Et toi, Bénédicte, comment est née ta passion pour les livres, la littérature et l'écriture ? Tu lis beaucoup et que tu partages même tes fiches de lecture en ligne.

Marie-Bénédicte : Je dirai depuis que j’étais toute petite aussi. Je ne saurais dire à quel moment exactement ça a commencé, mais d’aussi loin que je me rappelle, j'ai toujours aimé lire. Je demandais des livres comme cadeau de Noël, j'allais à la bibliothèque quand j'en ai eu l'âge. Donc, c'est depuis vraiment toute petite que j'ai eu cette passion pour la lecture. Comme ça coule un peu de source, plus tu lis, plus tu développes ta plume. Donc l'écriture, c'est venu bien après, mais ça va, j'aime assez aussi.

Alors, comment vos parcours féministes ont commencé ?

Mariam : Ça a commencé à la maison. Je suis la dernière de la famille. Et quand tu es la dernière de la famille, tu es un peu comme l'esclave de tout le monde, d'une certaine façon. Et à un moment, je voyais qu'il y a certaines tâches que moi, on me demandait de faire, qu'on ne demandait pas à mes frères de faire. Sachant que mes frères comme mes cousins, c'est vrai qu'ils sont plus âgés que moi, mais je trouve qu'on a tous les mêmes membres. Pourquoi c'est moi qui dois faire ça à leur place ? À la maison, j'ai intentionnellement refusé de m'approcher de la cuisine. En fait, je n'ai aucun problème avec la cuisine. C'est important de cuisiner parce que c'est se nourrir. Mais avant, volontairement, j'ai décidé de ne pas m'approcher de là parce qu'on me disait, parce que tu es une femme, tu dois savoir cuisiner.

Aussi, quand j'étais petite, je voulais des jouets. J'ai toujours aimé les consoles. On m'achetait des poupées. Pourquoi faire ? J'ai demandé, j'ai pleuré et à un moment, on a arrêté de m'acheter des poupées. On m'achetait que des jouets mixtes. On m'achetait des lego, des consoles, ce genre de choses. Bon, je peux dire que mon combat a un peu commencé là-bas, inconsciemment. Quand j'étais petite.

Et en dehors de la maison, est-ce qu'il y avait des choses qui t’interpellaient concernant la manière dont les femmes étaient traitées ?

Mariam : Ouais, ça arrive tout le temps. Par exemple, dans le cinéma, mon domaine, c'est un milieu qui est très sexiste. Je connais une fille de ma classe. Elle est en spécialité production. Et à chaque fois qu'elle part pour un entretien, on lui propose du sexe. Automatiquement. Il n'y a pas de demi-mesure. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'elle part pour un travail, on lui propose autre chose en lui disant, si tu ne veux pas, tu laisses. Et tu n'auras pas de travail. 

C'est révoltant de voir à quel point le sexisme et les violences sexistes sont présents partout. 

Mariam : Et ça, c'est un cas parmi des milliers. J'ai parlé avec beaucoup d'autres femmes dans le cinéma. Et c'est très récurrent. Il y a un truc que j'ai remarqué encore dans le travail. J'étais en stage sur une série ici. J'avais un poste où on était avec l'équipe image. Avec l'équipe image, il faut savoir qu'il y a plein de trucs à soulever. Il y a des trépieds. Il y a plein de trucs, tu vois. Et j'avais l'impression qu'on minimisait mes forces naturelles. C'est-à-dire que je peux prendre un trépied. Ce n'est pas lourd. Je ne sais pas. Ils ont l'intention de t'aider. Sauf que tu n'as pas besoin d'aide et tu n'as pas demandé d'aide. Et dans le milieu, c'est ce qui arrive tout le temps, tout le temps. C'est comme de la bonne intention. Mais vraiment, tu as l'impression que... Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.

Oui je vois. C’est du sexisme ordinaire. À quel moment as-tu commencé à parler de féminisme, à utiliser les termes spécifiques pour adresser ces réalités ?

Mariam : En vrai, j'ai commencé à mettre les mots dessus très récemment. J'étais en licence 1 de cinéma. Je connaissais le féminisme de loin, mais je n’étais jamais vraiment allée m'y intéresser profondément, en lisant et en m’informant. Je ne l’avais pas fait. Je connaissais juste les définitions. Et puis, pour moi, c'était juste du bon sens. Donc, normalement, tout le monde devrait être féministe. Quand j'étais en première année, ça devait être en 2020, il y avait les 16 jours d'activisme. Et c'était juste à côté de mon université. J'ai décidé de faire un tour là-bas. D'ailleurs, c'est là que j'ai vu Riane pour la première fois. Elle était déjà dans une association qui s'appelle le Mouvement Femmes et Paroles. Et donc moi, je vais là-bas, je découvre tout un univers. Je découvre des femmes, des personnes qui parlent de diverses thématiques. On parle de violence basée sur le genre, on parle de précarité menstruelle... Et là, je me rends compte de l'ampleur de la chose et je réalise à quel point il y a beaucoup à faire. Suite à ça, j'ai même rejoint une association.

Et toi Riane, tu as parlé de l'éveil de ton féminisme. Comment est-ce que ton féminisme s’est réveillé ?

Riane : Alors, le féminisme s’est réveillé en moi avant même que je sache que c'était du féminisme, en fait. J'étais frustrée par tout ce que je vivais. Chez nous, il y a un plat qui est vraiment prisé à la maison, le foutou. Tous les midis, on doit piler le foutou. Et ma grand-mère s'offusquait à chaque fois : « Pourquoi tu ne piles pas le foutou ? Pourquoi tu ne vas pas t'asseoir à côté de ta tante pour piler le foutou ? » Ça m'ennuyait. Donc, j'étais obligée, je me forçais à aller m'asseoir pour regarder comment piler le foutou. Mais au fur et à mesure, je ne pouvais plus faire semblant. Donc, j'ai arrêté d'aller faire la cuisine. Ça m'ennuyait, en fait. Le fait qu’on me dise à chaque fois que je dois savoir faire le ménage, que je dois forcément savoir faire la cuisine parce que « ton mari…», que je dois savoir faire tout ce qui est attribué aux femmes, que je dois savoir porter des robes… Ça m’énervait.

Il y a de quoi. 

Riane : À l'école aussi, les professeurs avaient des paroles sexistes à chaque fois. « Pourquoi les filles dépassent les garçons dans telle matière ? Pourquoi ? » Du sexisme tout le temps. De la misogynie, des harcèlements qui me dérangeaient. Et les regards à l'extérieur, les gestes inappropriés qui étaient banalisés. Tout ça me frustrait, en fait.

Je me suis dit qu'il fallait que je sache de quoi il s'agit. Et bizarrement, j'ai fait des recherches. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais j'ai fait des recherches et je suis tombée sur des vidéos, par exemple, de Christiane Taubira. Je crois que c'est par là que j'ai découvert le féminisme, et par elle aussi. J'ai découvert son combat. J'ai découvert quelle femme politique elle était. Je me suis dit, ah oui, c'est ça le féminisme. J'ai continué les recherches, j'ai lu des livres, etc. En fait, j'ai lu plus d'articles que de livres au début.

Les premiers contenus sur le féminisme que j'ai lus étaient aussi des articles. 

Riane : J’ai beaucoup lu d'articles pour essayer de comprendre petit à petit. Au début, je voyais ça comme un mouvement européen. Je ne savais pas que c'était un mouvement présent ici. C'est-à-dire que je ne pensais pas qu'il y avait un mouvement féministe présent ici. Plus je lisais, plus je voyais des écrits, des théories qui sortaient. C'est là que mon éveil au féminisme a commencé.

Et toi, Bénédicte ?

Marie-Bénédicte : Pour la prise de conscience, on va dire que c'est venu de certaines inégalités que je voyais chez moi, même avant d'avoir des réseaux sociaux. Il y avait beaucoup d'inégalités chez moi. Les hommes avaient beaucoup de privilèges que je n'avais pas, et je me suis toujours demandée pourquoi. Par exemple, chez moi, les garçons ne lavent pas les douches, tout simplement parce que des femmes s'y douchent également. Mon papa avait l'habitude de dire que là où les femmes qui ont leurs règles se lavent, ce n'est pas à un garçon de laver là. Donc, dès la cellule familiale, on était déjà enfermés dans ces carcans de rôles de genre, de place de la femme, place de l'homme. Je trouvais que ce n'était pas normal.

Les affaires de place de la femme, place de l’homme, hummm…!

Marie-Bénédicte : Et plus tu grandis, plus tu as accès aux réseaux sociaux, aux médias, tu vois qu'il y a des femmes qui sont tuées pour la simple raison qu'elles sont des femmes. Ou bien, il y a des femmes qui sont violées, battues par leurs compagnons. On n’a pas à vivre ça. Parce qu'il y a très peu d'hommes qui vivent ce genre de situation pour la simple raison qu'ils sont des hommes. Ce sont ces inégalités et ces bafouements des droits des femmes dans la société que j'ai remarqués qui m'ont poussée à m'engager également.

Comment tu as commencé alors à prendre la parole autour de ces réalités ?

Marie-Bénédicte : À la maison, déjà bien avant que je me définisse comme féministe, toutes ces histoires de règles, de ce que les garçons doivent faire, ce que les femmes doivent faire, moi, je ne les suivais pas. J'étais un peu têtue. Les gens chez moi étaient déjà habitués. Quand j'ai commencé à m'identifier comme féministe, ça n'a pas vraiment étonné les gens de ma maison. Ce sont plutôt les gens de dehors, les amis, les personnes qui vont te dire que tu es rentrée dans leur groupe de féministes, les filles qui détestent les hommes. Tu es rentrée dans leur groupe, tu vas venir commencer à faire la guerre contre les hommes. Alors que ce n'est pas du tout ça, en fait.

Qu’est-ce qu’on n’entendrait pas hein!

Marie-Bénédicte : Les gens de dehors commencent à t'identifier comme une détesteuse d'hommes, quelqu'un qui est là pour se battre contre les règles établies dans la société. C'était plus dans le regard des amis que c'était un peu difficile. Et jusqu'à présent, il y a certaines personnes avec qui je ne peux pas parler de ça parce qu'elles sont totalement fermées à la discussion. Elles ne cherchent même pas à comprendre. Elles disent immédiatement que, quand tu t'identifies comme féministe, ça veut dire que tu détestes les hommes, que tu veux que tous les hommes disparaissent de la terre.

J'ai noté que tu t’exprimais beaucoup en ligne.  

Marie-Bénédicte : Oui. Sur les réseaux sociaux, j'ai découvert certaines militantes ivoiriennes comme Carrelle Laetitia, Meganne Boho, Marie-Paule Okri... Il ya avait une femme qui avait été victime de violence. Donc, elles se sont mises toutes ensemble, elles sont venues, comme on dit, elles ont tempêté. Ça fait qu'à un moment, on ne voyait plus qu'elles. Même si ce qu'elles faisaient, ça ne plaisait pas à tout le monde, on ne voyait plus qu'elles. Je me suis dit que je veux faire comme elles, parce qu'il y a beaucoup d'inégalités dans la société, il y a beaucoup de bafouements des droits des femmes. Et c'est pour ça que j'ai voulu m'engager en tant que militante féministe. J'ai rejoint la Ligue.  

Mariam, quand tu as commencé à parler de féminisme, comment ça a été perçu autour de toi ?  

Mariam : Chez moi, ici à la maison, c’est un peu problématique. Les gens ne sont pas trop d'accord. Mais c'est la routine. On ne va pas arrêter de parler parce que certaines personnes ne sont pas d'accord. Donc, des fois, je rentre dans des débats interminables avec les gens de la maison. Parce que je reste ferme sur mes points de vue, sur ma position. Franchement, c'est comme tous les jours dehors. C'est la même chose.  Avec certain.e.s de mes ami.e.s, j'ai coupé les ponts parce que j’ai trouvé que je ne pouvais pas les supporter. Donc, pour ma paix, je suis partie. Il y en a d’autres aussi, peut-être pour me taquiner, mais dès qu'il y a un truc, ils me disent : ouais, la féministe, elle va parler-là. Enfin, tout le temps. Des fois, il y a des connotations négatives à ça. Je ne sais pas pourquoi. En tout cas, tu connais les gens.

Les blagues reloues, les allusions bizarres..Bref ! 

Mariam : Pourtant, il n'y a rien de négatif à être féministe.  

Dirais-tu que le féminisme a changé des choses en toi et dans la manière dont tu vis ou fais les choses ?

Mariam :  Oui. Au fur et à mesure que j’apprenais des choses sur le féminisme, je me suis rendue compte qu'il y a plein de choses qu’inconsciemment, je faisais et je me disais : « Waouh, ça ne va pas ! » Par exemple, tu peux sortir des propos et puis accentuer la culture du viol sans te rendre compte que c'est super grave. Mais il y a certaines choses que, maintenant, je ne me permettrais pas du tout de dire.

Donc, oui, il y a eu une grande remise en question, et même professionnellement. Dans les films que je regarde, je me suis rendu compte qu'il y avait plus de réalisateurs que de réalisatrices. Pourtant, il y a autant de réalisatrices que de réalisateurs. C'est juste que les réalisatrices sont invisibilisées. Et je fais attention à regarder les films faits par les femmes. C’est venu aussi avec une vague d’indépendance. L'indépendance que j'avais avant s'est accentuée encore plus maintenant.

Ah, c’est super.

Mariam : Oui. Même dans ma façon de visionner, quand je regarde des films, surtout les films africains, je juge fort. Par exemple, je me souviens, j’ai vu un film ici. C'est un film ivoirien. Je pense que personne n'a vu le problème. Peut-être que c'est moi. Comment dit-on déjà ? Je suis peut-être paranoïaque. Dans le film, il y avait deux enfants. Les deux enfants sont assis à l'arrière. Et les parents sont là et disent quelque chose comme : « Ah, c'est ton mari, tu seras une bonne femme, tu vas faire la cuisine. » Je dis, mais vous ne faites pas passer des messages comme ça aux enfants, en fait. Je trouvais que c'était déjà déplacé pour des enfants.

Tu n'es pas paranoïaque. Ce que tu dis à propos des films est important. La société nous façonne à travers les médias de masse, et des films véhiculent souvent des messages qu'il faut questionner. Selon toi, qu'est-ce que cela signifie d'être féministe en Côte d'Ivoire ?

Mariam : Être féministe en Côte d'Ivoire ? C’est un combat 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Déjà, parce qu’il est très facile de tomber dans des situations où tu vas rencontrer des personnes avec des propos déplacés. On est aussi dans un pays où, de mon point de vue, par exemple, la p*dophil*e est très banalisée. Il y a eu un cas, une petite fille de primaire, qui est tombée enceinte de l'un de ses maîtres. Et dans un article, ils ont écrit qu’ils avaient une relation. Ça m'a outrée. Une mineure. Enfin bref, comme je dis, c'est un combat permanent. Il y a des misogynes partout. 

J'avais lu des publications à propos de ce cas.

Riane, tu disais qu'au début, tu ne savais pas qu'un mouvement féministe existait ici. Comment as-tu découvert ce mouvement par la suite ?

Riane-Paule : C’est aussi à travers les réseaux sociaux, déjà. J'ai vu qu'il y avait des associations. Et il y en avait assez. Il y avait la Ligue, Stop au Chat Noir, et le Mouvement Femmes & Paroles, l'association dans laquelle je suis actuellement. C'est une association qui milite avec l'éducation pour lutter contre le sexisme et la violence basée sur le genre. Donc moi, je me suis retrouvée plus dedans. Puisque je me dis que pour essayer de faire changer la mentalité, il faut qu'on passe par l'éducation. Donc, je me suis sentie plus dans l'association dans laquelle je suis. J'ai intégré cette association depuis, je crois, 2021-2022. Et c'est là que j'ai commencé mon militantisme.

Et quand tu as commencé à te revendiquer féministe, quelle a été la réaction de ton entourage ?  

Riane-Paule : Je me rappelle une fois, on m’a dit « ah oui, mais t'es féministe ? ». Je dis « ouais, je suis féministe ». On me dit « mais t'es féministe pour quoi, en fait ? Tu ne peux pas te revendiquer féministe avec toutes les plaisantines qu'on voit sur Facebook. » Je dis, qu’est-ce que tu sais du féminisme ? Aucune réponse. Et c'est ce qui est drôle.  Tu vois qu'il y a une méconnaissance du féminisme. Et puis, il y a une mauvaise foi. Mauvaise foi dans le sens où on peut chercher, on peut décider de chercher, de comprendre, mais il n'y a pas cette envie-là. Donc, on préfère rester là et dire « ah ouais, mais ce sont des frustrées, voilà ». Il y a un des parents qui m'a dit « ah ouais, ces frustrées-là, elles ne vont pas se marier, etc. Donc toi aussi tu veux rester dans ce lot-là, quoi ». 

Presque les mêmes réactions partout! 

Riane-Paule : Tout ça ne va rien changer dans ce que je ressens, dans mon militantisme. De toute façon, je préfère agir par des actions. Oui, oui, il faut essayer de convaincre les gens. Mais moi, je ne veux pas convaincre quelqu'un. Moi, je veux juste agir à ma manière, dans mon féminisme.

Dans la deuxième partie de la conversation avec Riane-Paule Katoua, Marie-Bénédicte Kouadio et Mariam Kabore, nous parlons de leur rapport à la lecture, de l’éducation féministe, de l’importance de documenter les histoires des femmes africaines et de leurs rêves en tant que féministes. Cliquez ici pour lire la partie 2.

Faites partie de la conversation. 

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