« Je suis une diplomate qui a un esprit militant. » - Aya Chebbi (Afrique - Tunisie) - 2/3
/Je suis en conversation avec Aya Chebbi, organisatrice féministe panafricaine et la première Envoyée de l'UA pour la jeunesse. Dans la première partie de notre entretien, Aya nous a parlé de son identité africaine et de son enracinement dans le panafricanisme.
Dans cette deuxième partie, nous creusons un peu plus pour découvrir sa vision d’une Afrique unie et unifiée et nous explorons son expérience quant à son rôle en tant que Envoyée de l'UA pour la jeunesse.
Je voudrais parler de ton style, parce que tu es toujours bien mise. J’ai le sentiment que ça n’est pas uniquement une question de style, mais que tu désires faire passer un message à travers les vêtements que tu portes. Est-ce que c’est le cas ?
Tout à fait. J’estime qu’il s’agit d’une question d’identité et de libération personnelle. Tu sais, nous grandissons en mettant ce que l’on nous dit de mettre et il y a des standards de beauté particuliers, surtout en tant que femme. Mon expérience capillaire m’a fait réaliser que la manière dont je suis perçue reflète qui je suis. J’ai été harcelée à cause de mes cheveux naturels et donc j’ai pris l’habitude de les couper très courts, mais ensuite j’ai été obligée d’avoir les cheveux lisses. Ma mère les enroulait dans de longs collants tous les soirs pour qu’ils soient disciplinés le matin. Dès que je prenais une douche, je devais aller au salon de coiffure. C’était normal dans ma famille.
Lorsque je suis allée à l’université, je n’avais plus le temps ni l’argent pour faire ça et je me souviens avoir été choquée de découvrir que j’avais les cheveux bouclés. J’adorais être au naturel, prendre simplement une douche et sortir en laissant mes cheveux tels quels. Dans ma famille les 2-3 premières années, on me disait « Va t’arranger, tu ne ressembles à rien. C’est quoi cette coiffure ? C’est n’importe quoi ». Les cheveux lisses étaient la norme. Je me suis rendue compte que mes cheveux étaient politiques et je les ai utilisés pour montrer qui je suis et que j’aime les porter au naturel. Cela demande du courage également de porter certaines de mes tenues et d’entrer dans une pièce. Je ne porte ni de tailleur ni de jupe cintrée ou une tenue que la société estime qu’une jeune femme ou ce qu’une diplomate doit porter, même dans les couloirs de l’Union africaine.
« Je me suis rendue compte que mes cheveux étaient politiques et je les ai utilisés pour montrer qui je suis et aimer cela. »
Mon identité panafricaine m’a permis d’avoir le courage d’affirmer : « C’est ainsi que je souhaite être perçue. J’aime mes boucles d’oreilles africaines. Je ne peux pas les retirer. Elles représentent qui je suis ». C’est pour cela que je m’habille tel que je le fais, parce que c’est une démarche panafricaine pour moi. Toutes les pièces que je porte proviennent d’une partie de l’Afrique, c’est comme si je disais « Je suis toute l’Afrique en mouvement ». Surtout en Tunisie, j’adore le fait que lorsque les gens me voient, ils commencent à poser des questions du genre : « Oh mon Dieu, d’où est-ce que ça vient ? » et que ça lance une conversation. J’aime beaucoup ça ; j’aime provoquer cette réaction. Cela me permet de lancer des discussions sur l’Afrique en Afrique du Nord, ce qui n’est pas évident à faire. J’ai également remarqué que lorsque je voyage, je blogue sur la nourriture, les vêtements et nombre des personnes qui me suivent veulent aller visiter les pays africains où je me rends. Cela leur fait apprécier la culture ou bien ça éveille leur curiosité à ce propos et j’adore ça. Ça change l’image de l’Afrique.
À quoi ressemble une Afrique unie aujourd’hui ? Si nous pouvions faire vivre le panafricanisme tel que tu l’entends, à quoi ressemblerait-il ? Quelle vision as-tu de cette utopie ?
Bien que les années 60 m’inspirent beaucoup, je pense que nous avons une vision différente. Les dirigeants ont créé des frontières et se sont battus pour avoir des États-nations. Je pense que c’est l’opposé de ce que recherche ma génération actuellement. Nous voyons une Afrique sans frontières qui n’est pas dirigée en fonction des intérêts personnels ou des frontières coloniales. Les gens pourraient se déplacer partout. Ils connaîtraient l’histoire de la Tunisie, ce que les Tunisien.nes ont fait en 2011. Un enfant Zambien, par exemple, saurait ce que les Tunisien.nes ont changé et cela pourrait l’inspirer à agir. Nous serions puissants sur le plan économique, sans nous soucier de l’impérialisme colonial, nous siègerions aux Nations Unies en ayant un pouvoir décisionnaire. Ma vision de l’unité consiste en une population dont la conscience est africaine. Une définition commune de l’africanité et de l’appartenance à cet espace. C’est également une question de leadership. Sans un leadership panafricaniste, il est facile de vendre nos ressources et nos idées. Nous avons besoin de dirigeant.e.s qui pensent : « Je ne vais pas agir ainsi parce que ça pourrait porter préjudice au Ghana, mon voisin, ou à l’Algérie. Je ne procéderais pas de telle manière car cela pourrait porter préjudice au Kenya. » Une mentalité altruiste, qui pense aux autres pays, au peuple en tant qu’Africain, d’un point de vue idéologique… C’est ce que devrait faire un.e dirigeant.e panafricaniste à mes yeux.
Tout à fait, un.e dirigeant.e seul.e ne peut pas penser au panafricanisme; une action de groupe est nécessaire. Est-ce ce que tu avais à l’esprit lorsque tu as fondé Afrika Youth Movement ?
Oui. J’ai appris de la révolution tunisienne, un mouvement sans figure de proue. Je ne crois pas en Ghandi, Mandela, Martin Luther King ou en l’idée d’une personne seule qui lance un mouvement et mobilise les autres. Cette théorie a en réalité effacé de nombreuses femmes de l’histoire. Je crois qu’il existe des dirigeant.e.s et des personnes qui ont une influence ou un impact sur la vie des gens, mais je crois que si ces gens n’en ont rien à faire, il ne se passerait jamais rien. L’idée initiale avec la création d’Afrika Youth Movement était de réunir des jeunes qui, comme moi en 2011, n’avaient aucune idée de qui ils/elles étaient, les rassembler dans un espace et leur dire : « Peut-être que ce que tu es, c’est ça, cette identité ». Je suis très extrémiste dans mon panafricanisme, c’est pour ça que je dis que je « radicalise » la jeunesse, parce que je pose des questions critiques en ayant une idée derrière la tête. Je ne m’adresse pas à elle en disant « Tu es peut-être ceci ou cela ». Je mène mon mouvement en déclarant « Tu es avant tout Africain.e ». J’enrôle autant de jeunes que possible avec cette idéologie d’être africain.e d’abord et de placer les intérêts de notre communauté en premier.
A quoi cela ressemble-t-il? J’imagine que ça doit être une tâche très difficile vu la diversité présente, et ce, même au sein d’une seule nation.
La construction de ce mouvement a pris sept ans, avant mon départ et maintenant, en regardant d'autres mouvements comme Black Lives Matter, que nous considérons comme des mouvements importants et massifs, j’estime qu'il faudrait plus que ce que nous faisons actuellement. Chaque fois que je voyage, je réalise que celles et ceux que je recrute font plutôt partie de l'élite. Et beaucoup de ces jeunes occuperont des postes à haute responsabilité, mais cela ne mobilisera pas la base. Et si mon cousin qui vit actuellement dans le nord-ouest de la Tunisie, à la frontière algérienne, au milieu de nulle part, ne croit pas en cela, alors nous ne ferons rien. Si une révolution éclate demain, ces personnes vivant dans ces endroits ne le sauront pas. Elles ne savent même pas que la révolution a eu lieu. Elles ne savent pas qui est le président. Donc, si nous ne mobilisons pas ces personnes-là, nous n’arriverons à rien.
Est-ce à cela que tu souhaites te consacrer à l’avenir ? Quelle est ta vision pour ce projet ?
Mon rêve serait que les 300 millions de jeunes en Afrique soient toutes et tous panafricanistes. Si j’avais les ressources nécessaires dans quatre ans, c’est mon objectif. Entre 2012 et 2015, lorsque nous avons créé le groupe Facebook et lancé le mouvement, je suis allée dans 35 pays africains, que j’ai sélectionnés en connaissance de cause, et j’ai profité de la moindre occasion pour rester plus longtemps et organiser des rencontres. Je me rendais à des conférences mondiales, et j'organisais des réunions sur l’Afrique avec des jeunes africain.e.s en parallèle. Tout était réalisé consciemment. J'avais une stratégie. Je me rendais également très souvent dans les universités, ces grands espaces où je pouvais rencontrer de nombreux jeunes en même temps.
Avant d'être nommée Envoyée de l'UA pour la jeunesse, j'allais réaliser une vidéo et j'avais commencé une tournée afin de voyager et donner des conférences à propos de la décolonisation dans toute l’Afrique. Mon rêve était de toucher 3 millions de jeunes en un an. En m'inspirant de la révolution tunisienne, je voulais aussi les connecter au mouvement... c'est-à-dire à l'infrastructure. Je recrutais ces personnes et leurs partisan.nes, en rassemblant tous ces mouvements. 300 millions de personnes, c'est énorme, mais je pense que si nous ciblons les bonnes personnes, celles qui disposent d’un public important et du pouvoir de mobilisation, nous pouvons y arriver. Ce n'est pas impossible, nous pouvons le faire.
Tu as évoqué avoir été inspirée par ce que tu as appris lors de la révolution. En y repensant, comment cette expérience a-t-elle façonné la femme Africaine et Tunisienne que tu es aujourd’hui ?
La révolution m’a changé la vie. Tout d’abord parce qu’à mon avis elle est arrivée au bon moment - l'année de la fin de mes études. Elle est survenue à une période où je me rebellais dans ma famille, je remettais en cause des membres de ma famille qui tentaient de m’opprimer parce que je suis une femme. J’étais assez radicale dans ma famille, mais je n’étais pas politique. J’avais peur d’être une militante ou de parler de politique parce que mon père est dans l’armée et ne peut pas prendre part à la vie politique. Ma mère était harcelée elle aussi parce qu’elle porte le voile. J’ai mis mon énergie dans le bénévolat en faisant de la photographie et des ateliers de lecture dans les hôpitaux pour enfants.
Lorsque la révolution est survenue, je n'avais pas peur et j'étais prête grâce à mon expérience de bénévole. Je suis allée au camp de réfugiés. J'ai rejoint la Croix-Rouge et d'autres organisations. Je vois mon intrépidité comme la conséquence de se trouver à un stade où l’on n’est pas seule et où l’on peut dire : « J'en ai rien à foutre que vous me tuiez parce que je vais gagner et si je meurs, nous aurons un héritage parce que toutes ces personnes vont se lever. » Les gens ont essayé de me frustrer en prenant mon appareil photo, parce que je tenais un blog à l'époque. Je me souviens avoir eu peur de la police toute ma vie, mais la révolution a brisé ma peur du système, de l'institution, de l'establishment. Je ne m'étais jamais sentie aussi puissante de ma vie. Le mot « liberté » avait à nouveau un sens.
Tu as parlé du blogging et je sais que ton blog, Proudly Tunisian (Fière d’être tunisienne en français, NDLR) est très suivi, même en dehors de la Tunisie. Parle m’en plus en relation avec la révolution.
La deuxième chose que j'ai apprise pendant la révolution est liée au blogging, car j'avais le devoir de dire au monde ce qui se passait. J'étais vraiment frustrée, et la technologie m'a donné du pouvoir. Lorsque mes articles ont commencé à être repris par des médias internationaux, j'ai vu à quel point ma voix était puissante. J'avais l'habitude d’interpeller le New York Times sur Twitter et de leur dire : « Non, cette manifestation avait tel nombre de personnes, pas tel autre. » Et les journalistes changeaient l’information ! J'ai compris la manière dont je pouvais me faire entendre et de quelle manière je pouvais façonner les conversations. J'ai compris que si je ne m'exprimais pas, je ne changerais jamais les choses.
J’ai aussi appris l’engagement communautaire, car tout était organique et magnifiquement chaotique. J’ai rencontré nombre de mes ami.e.s. actuel.le.s dans la rue. Nous nous organisions toutes et tous sur internet. Nous ne nous connaissions pas et, d'une manière ou d'une autre, nous étions coordonné.e.s. Lorsque Ben Ali est parti, nous avons dû nous organiser pour empêcher d'autres personnes de s'emparer de l'espace politique. J'ai appris que l’engagement communautaire demande du temps et des efforts, qu'elle rassemble beaucoup de gens et qu'elle exige l'inclusion. Les concepts de création de coalitions, d'organisation, de rassemblement des gens, d'écoute des gens, de retour d'information, ont pris tout leur sens au final. Au cours des deux premières années, il y a également eu beaucoup de trahisons et de détournements de notre mouvement. J'ai donc également appris que l’engagement communautaire consiste à observer et à écouter, à ne pas porter de jugements hâtifs, à prendre du recul et à faire participer les gens, car vous aurez besoin de tout le monde.
« J’ai appris que l’engagement communautaire demande du temps et des efforts, qu’elle rassemble beaucoup de gens et qu’elle exige l’inclusion. »
C'est ainsi que j'ai réussi à créer l’engagement, car l'organisation de la jeunesse est mouvementée, mais celle de la jeunesse africaine, qui est si diverse dans un même pays, avec des ethnies, des clans, des langues différentes, etc. l’est particulièrement. Même les personnes originaires d'un même pays ne peuvent pas s'asseoir et dialoguer. Sans la force de croyance dans le panafricanisme, j'aurais plus d’une fois tout abandonné. C'est ce que j'ai appris plus tard dans le mouvement des jeunes : il ne s'agit pas seulement de gagner le combat, mais aussi de construire en son sein. J'ai appris tant de choses ; il faudrait qu’un jour j’écrive un livre sur une révolution.
Tu devrais ! Je travaille dans les secteurs des ONG et dans le développement international, et tout ce mouvement d’engagement significatif des jeunes… Je ne sais même pas ce que cela veut dire à ce stade. Lorsque tu as été nommée en tant qu’Envoyée de l’UA pour la Jeunesse, qu’en as-tu pensé ?
C'était une surprise, et je ne m'attendais pas à être sélectionnée, car deux ans avant ma nomination, j’avais organisé un boycott à l’UA en quittant la même salle dans laquelle j'ai prononcé mon discours d’investiture. Un dialogue intergénérationnel avait été organisé et je n’ai pas aimé la façon dont le dialogue avait été organisé. Cela ne ressemblait pas à un dialogue, et ne semblait pas démocratique, j’ai donc quitté la salle avec 20 autres jeunes.
J’ai tout de même posé ma candidature parce que j’estimais mériter ce poste et parce qu’il s’agissait de la prochaine étape que je désirais franchir dans le système. J'ai également postulé pour le poste d’Envoyée des Nations unies pour la jeunesse, et j'ai fait partie des finalistes. C'était une surprise totale, et j'ai apprécié la façon dont j'ai été sélectionnée. C'était un processus rigoureux et transparent qui a pris plusieurs semaines. J'aime raconter cette histoire pour inspirer les jeunes et leur montrer qu'elles et ils peuvent occuper les postes haut placés qu'elles méritent. Vous n'avez pas besoin de connaître quelqu'un ou de travailler pour votre gouvernement ou parce que vous connaissez ou êtes apprécié à l'UA. Et beaucoup de gens croient encore que mon gouvernement m'a nommée ou que j’ai été pistonnée, mais j'ai passé toute ma vie dans la société civile. Je leur montre aussi que l’activisme peut ouvrir les portes de la diplomatie, de la politique, ou de tout ce que vous voulez. Ce n'est pas le poste qui compte, mais ce que vous voulez accomplir. Les titres ne sont que des vecteurs de changement. Je suis très fière de ce rôle. Je l'adore. J'aime servir la circonscription des jeunes. J'espère lui avoir rendu justice. Je pense que l'UA est très pertinente pour l’unité.
Et pendant les 2 années que tu as passées à ce poste, quels ont été à tes yeux tes succès ?
J'espère avoir rendu justice à ce rôle et avoir posé des fondations solides pour les jeunes au sein de l'institution. J'ai tout rassemblé dans un rapport consacré à l’héritage dans le but d’amplifier l'impact des jeunes et de montrer ce que les jeunes peuvent faire lorsque davantage d’espaces d’innovation sont disponibles.
J'ai grandi entre la révolution et aujourd'hui, je suis passée de la résistance au système à la volonté d’en faire partie pour changer les choses de l'intérieur. C'était effrayant pour moi. Je ne voulais pas faire de compromis sur mon identité – ma personnalité radicale et bruyante – ni sur mes valeurs. Je suis une diplomate qui a un esprit militant, et ce que je veux être, c'est être un pont entre les générations, entre des systèmes déconnectés. Le problème est qu'en tant que jeunes, nous sommes ces personnes là qui sont radicales et nous dénonçons le système. Mais ensuite, nous ne trouvons pas de terrain d'entente. Parallèlement, il est très frustrant pour moi de m'asseoir dans des salles avec des vieux monsieurs qui n'ont rien à faire de la jeunesse de leur pays. Et ce, au niveau le plus élémentaire. Je ne parle même pas de politique ou de mise en œuvre de mesures particulières. Je parle de convaincre l’autre de la raison pour laquelle elle devrait s’en soucier.
Parle moi de cette expérience de naviguer ces espaces en tant que jeune, surtout jeune dans une position de leadership. Comment t’es-tu sentie?
Actuellement, je suis épuisée d'avoir tant blâmé le système et je pense que nous devrions trouver un moyen de dialoguer avec les institutions. Cela ne marche pas pour nous de nous organiser simplement en dehors des couloirs du pouvoir. C'est ce qui m'a incité à organiser le co-leadership intergénérationnel, pour dialoguer et trouver des solutions ensemble. Ces espaces existent parce que nous les acceptons, et nous acceptons d'être là, de nous y asseoir pour que nos idées soient mises à profit. Là je pars dans un espace où je vais m’occuper de l’engagement. J’inviterai ces personnes à se rallier à ma cause et à s’engager. Je me sens plus confiante, plus puissante, plus motivée, et personne ne se sert de ma jeunesse.
Je souhaiterais, après ces deux années, que ce concept soit ancré, que ce soit une normalité, et que chaque espace soit intergénérationnel et dirigé conjointement. Le processus de leadership, de gouvernance, les conversations, tous les sujets de haut niveau dont nous parlons devraient comporter ce co-leadership intergénérationnel. Je vois aussi une différence dans les espaces réservés aux femmes. Je pense que dans ces derniers, les personnes se sentent inspirées par les autres générations et sont plus à l'aise pour parler à une aînée que dans les espaces avec des hommes âgés.
Je suis d’accord avec toi à propos de cette différence dans les espaces féminins, ou le co-leadership est un modèle que la plupart de ces espaces adoptent. Je sais que tu as parlé de ton expérience en tant que jeune dans cet espace souvent dominé par des vieux monsieurs. Quelle a été ton approche en tant que femme ?
Je suis allée dans ce rôle en tant que femme dirigeante. Mon idée du leadership féminin est collaborative. C'est l'intelligence émotionnelle ; d'unir les gens autour du panafricanisme, autour de l'agenda africain. Les deux sont d'abord liés parce que j'ai le sentiment que nous n’avons aucune idée de toutes ces femmes qui ont contribué à la libération. Je sais au fond de moi qu'il y avait un mouvement massif de femmes derrière tout cela. Aussi, les hommes qui m'inspirent, comme Thomas Sankara, sont féministes. Je ne peux pas considérer que Thomas Sankara était féministe sans être panafricaniste, car il s'est battu pour que l'Afrique soit indépendante et a déclaré que cela ne pouvait se faire sans la participation et l'émancipation des femmes.
On ne peut pas unir notre continent ou parvenir à quoi que ce soit sans être féministe, sans croire à l'égalité et sans croire que les femmes font fondamentalement partie de la révolution africaine.
Dans la prochaine partie de cet entretien, on parlera de comment Aya est devenue féministe et ses efforts d’organisation de l’engagement des jeunes africain.e.s sur le continent. C’est ici pour cette dernière partie.
Note d’Eyala: Cet entretien a été enregistré pour la première fois par Françoise Moudouthe en juillet 2019. Nous avons effectué des mises à jour en avril 2022 pour refléter les changements et les progrès dans la vie d’Aya depuis ce premier entretien.